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Bâtisseurs

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✒ Marie Hirigoyen

(Librairie Hirigoyen Bayonne)

Un guide précieux pour ouvrir l’œil, randonner dans les quartiers, aiguiser la curiosité, convertir le regard, affiner la lecture des paysages urbains où, avec des architectes du XXe siècle, Roland Schweitzer a imprimé une signature emblématique et pourtant méconnue.

Le label « Architecture contemporaine remarquable » distingue des édifices de moins de cent ans non répertoriés comme « Monuments historiques ». Il s’agit de recenser les différents courants architecturaux et de transmettre un patrimoine très présent dans notre quotidien en valorisant cet héritage. Au cours de ce voyage d’un bout à l’autre de la France, région par région, en 1700 notices illustrées, se déroule ainsi tout un pan de notre Histoire, une évolution sociale, économique, technique, politique, esthétique. Si la table rase de la Grande Guerre a bouleversé l’organisation urbaine, l’influence du Bauhaus a jeté les bases de l’architecture du siècle. Logements sociaux, grands magasins, établissements publics, ouvrages d’art, stations de ski… Partout le béton, le verre, le métal règnent pour plus d’efficacité, de lumière, de confort. À partir de 1945, la décolonisation, l’immigration, l’exode rural dessinent les villes nouvelles. Puis, dès 1960, quartiers d’affaires, centres commerciaux, maisons de la culture redéfinissent les centres urbains. Les trente dernières années, marquées par la transition écologique, voient l’arrivée des éco-quartiers et le souci de constructions durables, sobres en énergie. Précurseur en la matière, Roland Schweitzer (1925-2018) a reçu ce label pour plusieurs de ses réalisations . Voici donc une monographie qui sort de l’ombre un architecte très présent sur les territoires. De sa jeunesse alsacienne, marquée par l’enrôlement de force dans l’armée allemande en tant que « malgré-nous », il lui restera une grande rigueur. Formé dans l’atelier d’Auguste Perret, guidé par Jean Prouvé, il est fortement influencé par le Japon, les constructions scandinaves anciennes, l’architecture vernaculaire alsacienne. D’où le recours dans son œuvre au bois, au grès, à la brique, au béton brut : on parle d’un « brutalisme tempéré ». Croquis, dessins, plans, photographies, descriptions mettent en lumière ses intentions, son souci de l’environnement naturel et de la vie communautaire. Auberges de jeunesse, école d’infirmières, villages vacances, collèges, immeubles d’habitation témoignent du respect des « rythmes de l’espace » dans une écriture souvent horizontale où coursives, galeries, patios, piliers de bois, passerelles, baies vitrées ouvertes sur les jardins induisent bien-être et circulation fluide. Bel hommage à l’œuvre d’un pionnier discret, auteur d’une architecture durable, un patrimoine encore bien ancré dans notre modernité.