Essais
Daniel Schneidermann
Berlin, 1933
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Daniel Schneidermann
Berlin, 1933
Seuil
04/10/2018
464 pages, 23 €
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Chronique de
Marie Michaud
Librairie Gibert Joseph (Poitiers) -
❤ Lu et conseillé par
3 libraire(s)
- Christine Milhès de Privat (Toulouse)
- Jérémie Banel
- Bertrand Lamure de des Marais (Villefranche-sur-Saône)
✒ Marie Michaud
(Librairie Gibert Joseph, Poitiers)
Pourquoi les correspondants des journaux internationaux sous le régime nazi ont-ils été incapables de mieux alerter le monde des horreurs à venir ? Telle est la question que pose Daniel Schneidermann dans Berlin, 1933.
Le « ratage du siècle » : c’est ainsi que le critique média Daniel Schneidermann définit le traitement par les journalistes internationaux des informations relatives à l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933 et aux exactions menées par le régime nazi jusqu’en 1945. Même si « évidemment, vue d’aujourd’hui, cette myopie les accable, quand on connaît la suite », le but de cette enquête n’est pas de juger mais d’essayer de comprendre, en étudiant aussi bien le contenu des articles et le ton des journalistes que la place des articles dans les pages des journaux, quels furent les obstacles qui amenèrent des journalistes intègres et compétents à produire des « articles raisonnables, pondérés, factuels, insipides, où l’on s’abîme les yeux à tenter de lire entre les lignes » alors même qu’ils avaient connaissance, étaient même parfois témoins, d’événements absolument terribles. Alors la censure certes, mais aussi la recherche d’une information privilégiée, le positionnement des patrons de presse ou tout simplement l’aveuglement individuel et collectif. Et Daniel Schneidermann de se poser en permanence cette question : « sommes-nous certains d’être mieux armés aujourd’hui pour rendre compte des catastrophes hors normes, pour nommer le Mal ? ». Car à l’origine de cette enquête dans les pages jaunies des journaux des années 1920-1930-1940, il y a l’élection de Donald Trump que les journalistes n’ont que rarement vu venir et ses frasques dont ils ont bien du mal à savoir comment rendre compte. Si la comparaison s’arrête là – il n’est pas question pour Schneidermann de tomber dans une simplification grossière et erronée – la situation en tout cas ne manque pas d’interroger sur la capacité des médias d’aujourd’hui à éviter les aveuglements d’hier.