Littérature française

Thomas Schlesser

Les Yeux de Mona

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Chronique de Marie-Ève Charbonnier

Librairie Paroles (Saint-Mandé)

Rendre accessible à toutes et à tous l’Histoire de l’art, ouvrir en grand les portes des musées, y emmener ses enfants, apprendre à regarder et à parler d’un œuvre : voilà le défi (réussi !) lancé par ce roman, le premier de Thomas Schlesser, historien d’art qui partage ici son savoir avec talent.

Mona est au CM2 et vit une vie à peu près tranquille de petite fille entre ses deux parents, sa mère qui travaille dans une association, son père brocanteur en mal de clients et qui boit un peu pour oublier son désœuvrement et ses soucis financiers. Le roman démarre alors que, pour une raison inconnue et durant une longue heure, Mona perd temporairement la vue. La batterie d’examens ne fournit pas d’explication et la fillette sera, par précaution, suivie au long cours. Suivi qui intègre des séances chez un pédopsychiatre. Son grand-père maternel et adoré, Henri, est nommé responsable de la fillette. Celui-ci, féru d’art, décide de remplacer les séances chez le psy par des séances au musée. Il considère que si sa petite-fille doit un jour perdre la vue, il faut qu’elle ait emmagasiné suffisamment de beauté en elle pour survivre à ce drame. Chaque semaine, il va donc l’emmener voir une œuvre et une seule. Trois parties se succèdent alors, correspondant à trois musées parisiens : le Louvre, Orsay, Beaubourg. C’est ainsi toute l’Histoire de l’art qui sera brossée en cinquante-deux tableaux. Le roman oscille alors entre deux fils narratifs. D’une part, nous suivons l’histoire de cette petite-fille, Mona, et du mystère qui entoure sa perte de vue subite ; des secrets familiaux émergent alors au fil du roman, selon un procédé classique mais efficace. D’autre part, nous découvrons les visites au musée de Mona avec son grand-père, délicieux moments qui sont à la fois instructifs et plaisants ! Le procédé choisi, fait de dialogues entre Mona (néophyte mais qui apprend vite !) et son grand-père (savant qui sait se mettre à la portée d’une fillette de 10 ans) est très malin, rappelant à la fois les dialogues socratiques et le fameux Monde de Sophie de Jostein Gaarder ‒ adapté en bande dessinée chez Albin Michel également et qui avait su mettre la philosophie à portée de tous. Ce roman intelligent et fort bien fait donne une furieuse envie d’aller ou de retourner dans ces trois musées, le livre à la main, pour se (re)plonger dans les œuvres décrites. Il faut d’ailleurs souligner, pour celles et ceux qui préféreraient rester chez eux, la belle fabrication du livre : les œuvres rencontrées sont reproduites sur la jaquette dépliante ! À mettre entre toutes les mains pour retrouver ses yeux et son âme d'enfant !