Littérature étrangère

Christina McDowell

L'Usine à privilèges

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Chronique de Marie-Ève Charbonnier

Librairie Paroles (Saint-Mandé)

Vous avez aimé House of cards ? Emparez-vous sans tarder de L’Usine à privilèges ! Entre cynisme et réalisme, sourires et frissons, Christina McDowell signe là un grand roman politique.

Inutile de voyager à l’autre bout du monde pour découvrir Washington et plus précisément Georgetown, ses rouages, ses roueries et son microcosme politique : en lisant ce livre, bien assis dans votre fauteuil, vous apprendrez tout d’un monde replié sur lui-même où le paraître compte plus que l’être. Au centre du roman, une bande de jeunes en dernière année de lycée. Bunny, Billy, Stan, Mackenzie et les autres sont tous issus de vieilles familles américaines du monde politique, militaire ou diplomatique. Le tout dans une hiérarchie qui est à peu près celle-ci, la naissance comptant plus que tout le reste. En réalité, ces jeunes privilégiés, insouciants au plus haut degré, passent plus de temps à tester de nouvelles drogues ou à profiter des maisons dorées de leurs parents qu’à imaginer l’avenir des États-Unis. À leurs côtés, parents et alliés protègent leurs secrets sombres, luttent contre leurs propres addictions et tentent de préserver leurs réputations. Le calme relatif de ce petit monde vole en éclats lorsqu’une riche et influente famille est massacrée. Le roman flirte avec les codes du thriller mais la recherche de la vérité n’est qu’un prétexte à décrire les moindres recoins d’un monde fascinant. Les chapitres alternent d’ailleurs avec des coupures de presse ou des présentations de tel ou tel lieu emblématique (le Café Milano où l’on va autant pour « voir que pour être vu » ou l’Alibi club dans lequel les cinquante membres, hommes blancs de la bonne société, protègent chacun le secret des autres). Magie du roman, en refermant ce livre, on a l’impression vertigineuse de connaître un peu mieux ce monde hermétique. Et le fait que l’autrice l’ait connu de près en rehausse le réalisme. En plus, et ça ne gâte rien, les mots qu’elle choisit pour le dire sont toujours bien trouvés, drôles et grinçants, et ses personnages attachants et nuancés. Fin, cynique, instructif, parfois glaçant : un excellent roman.