Littérature étrangère

Elin Cullhed

Euphorie

illustration

Chronique de Marie-Ève Charbonnier

Librairie Paroles (Saint-Mandé)

Avec une plume d’une poésie rare, Elin Cullhed nous fait pénétrer, avec ce récit, dans l’intimité de Sylvia Plath. On lit un roman et pourtant on a l’impression de toucher au plus juste la vie de la poétesse. Du grand art.

Elin Cullhed choisit dans ce livre de nous raconter la dernière année de la vie de Sylvia Plath, les derniers mois de sa deuxième grossesse, sa vie avec Ted Hugues dans leur maison de campagne anglaise, ses affres créatrices, ses angoisses amoureuses. Son euphorie. Car si l’immense poétesse était profondément dépressive, c’est ici sous l’angle du haut de la vague que l’autrice nous la montre. Le tout, écrit à la première personne du singulier, pour nous faire mieux pénétrer dans son intimité. Certes, il y a déjà eu des dizaines de livres écrits sur Sylvia Plath. Mais il ne s’agit pas ici de lire un livre de plus : il est question d’un livre essentiel. L’angle est original puisque Elin Cullhed choisit de faire de la poétesse un personnage de fiction : « “Euphorie” est un texte littéraire sur Sylvia Plath et ne doit pas être lu comme un exercice biographique. Événements et personnages ayant une ressemblance avec la réalité sont, dans le contexte du roman, fiction et fantaisie littéraires. Sylvia Plath devient donc, dans ce livre, un être fictif ». L’autrice brosse le portrait d’une femme qui se débat entre enfants, mari, volonté de créer. La dépression est abordée, bien sûr, mais ce n’est jamais sombre ni pesant. Et puis il y a le ton, le style, les phrases. Les mots d’Elin Cullhed vibrent, chantent, pulsent, roulent, comme une musique entraînante. C’est tout simplement beau. Un peu comme de la poésie. Signalons ici d’ailleurs la prouesse de la traduction d’Anna Gibson pour rendre la sensibilité et l’émotion de l’écriture. Ceux qui connaissent et aiment la poétesse auront l’impression de la connaître mieux encore, d’être réellement entrés dans l’intimité de son univers. Ceux qui ne la connaissent pas liront ce livre comme un excellent roman, extrêmement bien écrit et, en toute logique, devraient ensuite se précipiter sur les œuvres de Sylvia Plath. Précisons pour finir que ce roman, le premier de l’autrice, déjà traduit dans vingt-cinq langues, a reçu en Suède le prix August, un des plus prestigieux prix littéraires.