Littérature française

Yasmina Reza

Récits de certains faits

✒ Marie-Ève Charbonnier

(Librairie Paroles, Saint-Mandé)

En quelques paragraphes, deux pages, dix maximum, Yasmina Reza narre avec justesse, dans son dernier livre, les petits ou grands faits dont elle a été l’observatrice, tant dans un palais de justice que dans sa vie quotidienne.

Bien que l’intitulé ne figure pas en gros et en clair sur la couverture du livre, ce sont bien des nouvelles que nous offre Yasmina Reza dans cet ouvrage. Des textes brefs, ramassés, avec peu de personnages, une concentration et une intensité de l’action, le caractère insolite des événements énoncés. Tout y est. Le point commun des cinquante-quatre textes qu’elle déploie ici, comme indiqué par le titre : ce sont des « faits ». Des faits divers, recueillis dans les palais de justice, pour la moitié d’entre eux environ (l’autrice y a ses habitudes depuis plus de quinze ans), mais aussi des petits faits, issus de la vie quotidienne, la sienne ou celle des autres. S’agissant des faits judiciaires, on ne peut pas vraiment parler de chroniques, bien qu’elle rende hommage en exergue aux maîtres du genre que sont Pascale Robert-Diard ou Stéphane Durand-Souffland. Car il ne s’agit pas de retracer l’entièreté d’un procès mais plutôt un détail, un caractère remarquable. Quelque chose d’à la fois banal et extraordinaire. Quant aux faits tirés de ses observations de la vie quotidienne, elles ont souvent un goût de nostalgie, une appréhension délicate et fine du temps qui passe, tout en conservant l’humour qui la caractérise. On ne peut s’empêcher de penser aux Choses vues de Victor Hugo, ou encore au Journal des frères Goncourt, ou aux fameuses micro-nouvelles inventées par Hemingway. En peu de mots, elle parvient à saisir tout un monde. Et pour ce faire, Yasmina Reza a, on le sait, le sens de la formule. Elle sait trouver la phrase juste, celle qui va à la fois rendre compte de ce qu’elle voit et ressent, et celle qui contient suffisamment de mystère pour donner à réfléchir. Ainsi, dans ce drame de la manipulation amoureuse via les réseaux sociaux qu’elle raconte dans le texte intitulé « Anthony Laroche », « il n’y a aucune différence entre croire et vouloir croire tant est grande la quête d’amour ». On referme le livre avec l’envie furieuse de continuer à lire les récits de nouveaux « faits ».

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