Littérature française

Joy Sorman

Le Témoin

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Chronique de Katia Leduc

Librairie L'Embarcadère (Saint-Nazaire)

Dans son précédent roman, À la folie, Joy Sorman explorait le milieu du soin psychiatrique. Ici, elle questionne le monde judiciaire à travers une fiction où la finesse de son analyse critique fait mouche !

Bart est un citoyen lambda jusqu’au jour où il décide de tout plaquer (d’une manière extrêmement organisée) pour trouver refuge dans le palais de justice de Paris et s’y installer clandestinement. Le jour, il arpente les différentes salles d’audience et la nuit, il dort quelques heures, caché dans le faux plafond du palais. Ce témoin complètement novice, pris anonymement dans la grisaille et la foule du tribunal, nous fait assister à divers procès : comparutions immédiates, procès d’assises ou autres. Face à ces hommes et femmes, aux parcours le plus souvent cabossés, se dresse une justice spectacle où tout est ritualisé, mené par des assesseurs souvent blasés et peu empathiques. Des tranches de vie qui révoltent Bart, l’interrogent et l’amènent à se positionner, à comprendre l’exécution de la justice (ou de l’injustice selon les cas) en France. Joy Sorman a un parti pris qui peut parfois être déstabilisant mais elle réussit parfaitement à accompagner l’évolution de son personnage, en apportant des réflexions pertinentes et incisives sur le milieu judiciaire. Elle signe un roman sociétal empreint d’humanisme, dénonçant un système qui en manque terriblement. Particulièrement bien documentée, elle s’empare de ce sujet complexe avec brio. Elle établit ainsi un état des lieux de la justice, la questionne et nous fait prendre conscience des dégâts causés par une accumulation de réformes qui n’ont fait que dégrader un système déjà en souffrance depuis de trop longues années. Une justice qui s’éloigne de ses prérogatives premières, à savoir la protection des plus vulnérables et l’impartialité des décisions, pour préférer des peines parfois vides de sens et difficiles à comprendre. Un ouvrage nécessaire face à une déshumanisation révoltante d’un des piliers de notre société.