Littérature française

Leïla Slimani

J'emporterai le feu

✒ Nathalie Iris

(Librairie Mots en marge, La Garenne-Colombes)

Le dernier volet de l’histoire familiale de Leïla Slimani emmène ses lecteurs du Maroc à la France de la fin du XXe siècle avec un brio à couper le souffle, nous captivant de la première à la dernière page. Une immense réussite qu’il convient de lire toutes affaires cessantes.

Il y a une dizaine d’années arrivait sur la scène littéraire française une jeune romancière du nom de Leïla Slimani, avec un premier roman publié par les éditions Gallimard et intitulé Dans le jardin de l’ogre. Deux ans plus tard, cette jeune autrice obtenait le prix Goncourt pour Chanson douce, faisant exploser à juste titre sa notoriété et lui assurant une renommée internationale. C’est dans ce contexte que Leïla Slimani a ensuite décidé d’entamer l’écriture d’une grande fresque retraçant l’histoire de sa famille : en 2020, sortait Le Pays des autres dans lequel elle racontait l’installation de sa grand-mère alsacienne au Maroc dans les années 1950, à la suite de son mariage avec un Marocain. En 2022, paraissait Regardez-nous danser, le deuxième volet de la trilogie dans lequel elle évoquait ses parents. Et en 2025, sort le très attendu dernier volume, J’emporterai le feu. Leïla Slimani nous emmène cette fois sur les traces de deux adolescentes, Mia et Inès, nées au Maroc dans les années 1980. Mia est l’aînée, Inès la cadette. Ce sont les deux filles d’Aïcha, elle-même la fille de l’Alsacienne Mathilde. On sent bien dès le début du livre que Mia et Inès, probablement en raison de leurs origines, ont un énorme besoin de liberté, chacune à leur façon. Il se trouve par ailleurs que les relations entre Mia et Inès sont tendues, Mia ayant du mal à supporter sa sœur qu’elle déteste autant qu’elle la protège. Finalement, c’est d’abord Mia, sorte de double romanesque de Leïla Slimani, qui va partir pour Paris, avec comme conseil de son père celui « d’emporter le feu ». En effet, Mia n’est pas heureuse au Maroc. Les crises de larmes se succèdent et c’est sur le conseil d’un neurologue que celle-ci va quitter le Maroc pour la France. Mais entre le rêve et la réalité, les choses ne sont pas simples. Assez vite, Inès va se trouver confrontée à un chemin difficile : celui de trouver sa place dans un monde qui ne l’attend pas. Elle qui idéalisait une vie d’étudiante parisienne va dans un premier temps déchanter : elle sera mise à l’écart et parfois victime de racisme. Ce troisième tome est une formidable réussite. Probablement parce qu’il est plus proche de nous, le lecteur est vite mis au fait des enjeux familiaux et politiques de ce dernier quart du XXe siècle. Leïla Slimani sait admirablement bien mêler le côté romanesque et le contexte socio-économique. Le tout porté par un style vif, travaillé et extrêmement fluide. Nous aimerions bien, dans les années à venir, un quatrième tome !

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