Pouvez-vous nous parler des quatre personnages de votre roman ?
Cécile Tlili Il y a deux couples, Claudia et Étienne et Rémi et Johar. Claudia est maladivement timide, elle appréhende ce dîner et semble subir sa vie. Johar est une femme de pouvoir qui a placé la réussite professionnelle au centre de son projet de vie. Étienne est celui qui a organisé ce dîner avec un objectif précis que l’on ne révélera pas ici. Enfin, Rémi, le mari de Johar, a la tête ailleurs pendant tout le dîner : il pense à une autre femme.
Il s’agit d’un huis clos au cours duquel la vie des quatre personnages va voler en éclats. Comment vous est venue l’idée de ce roman ?
C. T. J’avais envie d’aborder, à travers l’écriture, un certain nombre de thèmes : la question des origines, la place des femmes, la carrière, le couple. Pour l’histoire, j’ai d’abord imaginé la scène finale puis j’ai tiré le fil de l’histoire. J’ai trouvé ensuite qu’un format limité dans le temps et dans l’espace, où les personnages étouffent au sens propre et au sens figuré, était un bon moyen d’exprimer la tension émotionnelle.
Ce livre est votre premier roman. Qu’est-ce qui vous a poussée vers l’écriture ?
C. T. À vrai dire, j’ai moi-même eu, à un moment de ma vie, des ambitions professionnelles puis j’ai décidé de réorienter ma carrière vers l’écriture. J’avais cette conviction très forte d’avoir envie de dire des choses sur des thèmes qui me tenaient à cœur.
Tout oppose les deux femmes que vous mettez en scène. Qu’est-ce qui va faire que, finalement, elles vont se retrouver ? Une sorte de complicité féminine ?
C. T. Oui, effectivement, même si elles se positionnent très différemment en tant que femme. Claudia est tellement timide qu’elle trouve une sorte de facilité dans son modèle de couple où c’est l’homme qui prend toute la place. En face d’elle, Johar a grandi dans une famille où les hommes régnaient et a débuté sa carrière professionnelle en devant jouer des coudes dans un milieu très masculin. Elle s’est mise dans un schéma de pouvoir pour s’affirmer en tant que femme. Le livre parle aussi de la manière dont on trouve sa place de femme. À cet égard, Claudia et Johar ont des réponses qui sont très différentes. Et pourtant, elles ont en commun de ne pas être à leur juste place, ce que l’on voit au cours du dîner.
Vous évoquez le monde de l’entreprise. Est-ce un milieu que vous connaissez ? Qu’avez-vous voulu montrer ?
C. T. Dans ce roman, chacun des personnages s’interroge sur le sens de sa vie professionnelle. Johar dirige une grande entreprise, Étienne est avocat, Claudia est kiné, Rémi est prof d’économie. Chacun va questionner ses choix. Mais il y a deux personnages en particulier, Johar et Étienne, qui ne se définissent que par leur carrière et leur position sociale, ce qui est très enfermant. Il est vrai que cela fait écho à ma propre histoire : j’ai débuté ma vie professionnelle dans une grande entreprise où beaucoup de choses tournaient autour de l’affirmation de soi à travers la carrière et le pouvoir. J’ai éprouvé que c’était quelque chose qui pouvait être très aliénant.
Votre livre montre que c’est à nous de prendre notre destin en main. Ici c’est un simple dîner qui va tout changer ?
C. T. Oui. En apparence ce dîner semble assez lisse mais, en réalité, il y a une contradiction très forte entre ce dîner parisien et la vie intérieure des personnages. Une série d’incidents va faire basculer les choses pour le pire ou le meilleur.
Un mot sur le style : vous ciselez les détails. J’imagine que vous avez beaucoup travaillé pour parvenir à ce texte très bien écrit ?
C. T. Pour moi, la dimension sensorielle était très importante : je voulais retranscrire les odeurs, les saveurs, la chaleur, les personnages qui se sentent mal, toutes ces petites choses qui vont faire éclater le dîner. Le physique rejoint le symbolique dans la dimension d’enfermement des protagonistes.
Les personnages ne sont plus les mêmes au début et à la fin du livre. Prévoyez-vous d’écrire une suite ?
C. T. Je préfère laisser au lecteur la possibilité de l’imaginer !
L’histoire pourrait sembler a priori banale : un couple de trentenaires parisiens, Claudia et Étienne, invitent à dîner Rémi et Johar, un autre couple de leur génération. Ils se voient en réalité plus par convenance professionnelle que par amitié. C’est Étienne qui a lancé l’invitation avec une idée bien précise en tête. Sa femme est impressionnée car elle ne fait pas partie de leur cercle professionnel et est d’un naturel très timide. Elle espère que le curry qu’elle a préparé avec soin va leur plaire. C’est un soir d’été, il fait horriblement chaud, aucun d’entre eux n’a envie de ce dîner et, pourtant, c’est ce soir-là que leur vie va basculer.