Littérature étrangère

Salman Rushdie

Le Couteau

✒ Nathalie Iris

(Librairie Mots en marge, La Garenne-Colombes)

Salman Rushdie, après la tentative d’assassinat dont il a été victime, a traversé une lourde épreuve. Le Couteau constitue le témoignage de tout ce que l’auteur a pu ressentir de sa confrontation avec la violence et de ce qui lui a permis de s’en relever : l’amour et la littérature.

Voici un texte extrêmement impressionnant de Salman Rushdie, très différent de son œuvre habituelle. Et pour cause. Bref rappel des faits : le 12 août 2022, alors qu’il s’apprêtait à donner une conférence aux États-Unis, l’auteur est victime, sur scène, d’une attaque au couteau par un homme seul, déterminé à le tuer. La scène est terrible. Salman Rushdie est immédiatement emmené à l’hôpital, reste pendant plusieurs jours entre la vie et la mort car son pronostic vital est largement engagé. L’agresseur, lui, est immédiatement arrêté par les autorités. Pour mémoire, Salman Rushdie vit depuis plus de trente ans sous protection policière, une fatwa ayant été prononcée contre lui après la parution de son livre Les Versets sataniques. Cette attaque au couteau est d’autant plus dramatique. Salman Rushdie va heureusement être sauvé, mais avec des séquelles, en particulier l’irrémédiable perte d’un œil. Quelques années plus tard, l’auteur éprouve le besoin de raconter ce tragique événement, sous la forme d’une réflexion sur la vie en général et le pouvoir de la littérature en particulier. C’est également, de façon remarquablement traitée, une réflexion sur la puissance de l’amour. En effet, Salman Rushdie est marié depuis 2021 à la poétesse américaine Rachel Eliza Griffiths. Il raconte dans son livre à quel point sa femme l’a soutenu à chaque instant et a été une source d’inspiration et de réconfort. Il cite également ses enfants, Milan et Zafar, très présents dans cette épreuve. Le Couteau n’est donc pas seulement l’histoire d’une agression mais bien la révélation des liens amoureux et familiaux qui sont capables de transcender l’épreuve la plus violente qui soit. Salman Rushdie s’interroge aussi sur son agresseur, qu’il nomme par la lettre A. Pendant l’écriture de ce livre, il a d’abord souhaité le rencontrer puis s’est ravisé, estimant qu’il n’avait finalement rien à lui dire. Ce sont des passages du livre très forts en termes de réflexion sur la relation entre une victime et son agresseur. En résumé, un texte comme seul pouvait l’écrire Salman Rushdie, subtil, précis, qui nous emporte dans nos propres questionnements sur la vie et sur l’usage que l’on en fait. Tout est dit dans cette citation tirée du livre : « Il était essentiel que j’écrive ce livre : une manière d’accueillir ce qui est arrivé, et de répondre à la violence par l’art. »

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