Vous avez toujours été passionné par l’écriture. Vous publiez ici votre sixième roman, un texte que l’on pourrait aborder de nombreuses manières car il foisonne de thèmes : l’Histoire avec un grand H, l’amour, l’engagement personnel et politique… Finalement, qu’est-ce qui a déclenché son écriture ?
Guillaume Sire J’ai toujours voulu écrire une grande histoire d’amour mais jusque-là je ne me sentais pas prêt. L’amour, c’est à la fois ce que l’on vit de plus personnel et ce qui est le plus universel. Il fallait donc trouver un moyen d’en parler sans tomber dans des lieux communs. J’ai attendu d’être prêt pour l’écrire.
Vous traitez le thème de l’amour de manière très originale. Pouvez-vous nous parler des deux personnages principaux qui vont l’incarner ?
G. S. Cette histoire se passe pendant tout le XXe siècle et plus particulièrement entre les deux guerres. Joseph et Anima ont en commun d’avoir tous les deux vécu un drame personnel : Joseph a perdu son père et Anima un frère. Malgré ce point commun, ils sont très différents. Joseph a développé une hypersensibilité tandis qu’Anima s’est recroquevillée et est devenue dure. C’est donc une histoire d’amour entre un garçon que tout blesse et une fille que rien ne peut atteindre.
Au début du livre, Joseph et Anima sont des enfants. Joseph tombe immédiatement amoureux d’Anima et on va suivre cet amour tout au long du livre. En parallèle, se déroule la grande Histoire et le roman se lit comme une épopée historique.
G. S. Effectivement. Au XIXe siècle, on pensait que l’amour sauverait les hommes. À la fin du XXe siècle, on s’est aperçu qu’il n’en avait rien été et nous en avons été désespérés. Puis certains ont compris que même si l’amour ne nous sauverait pas, il ne fallait pas sombrer dans le désespoir et vivre l’amour quand même. L’histoire entre Joseph et Anima me permet de décrire ce XXe siècle et toutes ses guerres, sa folie, ces haines qui montent. Je voulais embrasser tout cela dans cette histoire entre deux enfants qui vont devenir adultes dans un monde en guerre. Je voulais aussi décrire, à travers Joseph et son hypersensibilité, toutes les sensations physiques que j’ai pu moi-même éprouver dans ma vie. C’est la partie auto-fictionnelle du roman. J’aimerais que l’on puisse lire ce livre en étant repu de toutes ces expériences sensorielles, comme si le lecteur avait vécu dans sa chair toutes ces émotions.
Il y a aussi La Cardinale, qui est-elle ?
G. S. La mère de Joseph fait le ménage dans un bordel. Ce bordel est tenu par une mère maquerelle, La Cardinale. C’est une femme forte, haute en couleur, très libre et, à sa façon, pleine de vie. Elle sera résistante lorsque la guerre éclatera. C’est effectivement un personnage très important qui marquera beaucoup Joseph. Il y a aussi, dans cette galerie de caractères, des résistants espagnols, un prêtre communiste, un poète anarchiste. Je voulais la présence de ces figures que le XXe siècle a produit en masse.
Présentez-nous aussi Lamour !
G. S. Anima a trouvé dans la rue un cochon dont elle a décidé de s’occuper et qu’elle a prénommé Lamour. Elle va s’en servir notamment pour lâcher Lamour dans la maison d’un professeur de piano antisémite et « déranger » l’ordre bourgeois. (Anima est juive.)
Comment avez-vous choisi le décor de votre roman ?
G. S. Je n’avais jamais parlé de ma ville or je voulais le faire. Ce livre se passe donc en grande partie à Toulouse. Chacun de mes romans se passe dans un décor qui lui appartient et ici Toulouse me semblait appropriée.
Comment qualifieriez-vous ce roman par rapport aux précédents ?
G. S. Je voulais faire un roman qui captive le lecteur, qu’il ait envie de tourner les pages et en même temps de ralentir le rythme pour savourer l’histoire. Il me semble que j’étais prêt à me lancer dans cette entreprise, j’espère que le lecteur appréciera.
En tout cas, je peux vous affirmer que j’ai été conquise et que je n’ai pas de doutes sur le fait qu’il s’agisse d’un grand roman !
Anima et Joseph sont encore enfants lorsqu’ils se rencontrent dans la France de l’entre-deux-guerres. On suit ces deux personnages jusqu’à l’âge adulte. Joseph, hypersensible aux côtés d’une mère autoritaire, n’aura de cesse de conquérir l’amour d’Anima, tandis que celle-ci reste a priori indifférente. Mais les apparences sont parfois trompeuses. On croise à leurs côtés des personnages aussi attachants que détestables, décrits avec justesse et souvent une belle dose d’humour malgré le tragique de certaines situations. Ce livre est une histoire d’amour avec, pour toile de fond, la montée du nazisme et l’arrivée de la Seconde Guerre mondiale. Il est magistralement écrit, addictif : à lire absolument !