Littérature étrangère

Sarah Vaughan

Cyber-harcèlement

L'entretien par Nathalie Iris

Librairie Mots en marge (La Garenne-Colombes)

Dans son cinquième roman, l’autrice britannique Sarah Vaughan s’empare d’un sujet de société : le harcèlement via les réseaux sociaux. C’est à travers son héroïne Emma Webster, députée à la Chambre des Communes, que la romancière déploie une histoire haletante avec pour décor les sphères médiatique et politique.

Dans votre livre, vous mettez en scène une parlementaire qui va se retrouver accusée d’homicide dans une affaire de cyber-harcèlement. Vous avez déjà pris comme sujet d’un de vos romans précédents le milieu politique (Anatomie d’un scandale, Préludes et Le Livre de Poche). Pourquoi revenir sur ce milieu ?

Sarah Vaughan - C’est vrai que je trouve ce milieu fascinant car il reflète et grossit les jeux de pouvoir, le pouvoir en général. Avec les débats autour du Brexit, la politique est devenue un enjeu majeur pour les Britanniques et je m’y suis particulièrement intéressée. C’est alors que je suis tombée sur un article mentionnant une parlementaire victime de harcèlement via les réseaux et qui avait été obligée de blinder la porte de sa maison avec neuf points ! Cela m’a stupéfiée, j’ai commencé à creuser le sujet. Parallèlement, j’ai remarqué à quel point le milieu politique était encore très misogyne et il me tenait à cœur de dénoncer cela à travers un roman.

 

Il est aussi beaucoup question de l’influence des réseaux sociaux et du danger qu’ils représentent. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur le traitement que vous en avez fait ?

S. V. - Je voulais montrer le danger que représentent les réseaux sociaux et comment leur influence est toxique, dans tous les milieux mais particulièrement en politique. Le problème est que les gens s’expriment la plupart du temps de manière anonyme avec une violence non dissimulée. Je me souviens d’avoir lu un article mentionnant qu’une députée avait reçu dans la nuit plus de 600 tweets. Comment résister à cela ? Ce « déchaînement » s’exprime aussi bien parmi les adultes que chez adolescents et je me pose la question : comment est-il possible d’autoriser cela ?

 

Vous montrez également à quel point la vie d’une personne engagée en politique peut lui faire oublier sa vie personnelle, ses enfants, son mari. Et les dégâts que cela provoque.

S. V. - Effectivement, Emma n’est jamais chez elle et sa fille Flora va en pâtir. Flora va vivre chez son père et Emma ne s’apercevra que trop tard du harcèlement dont sa fille sera victime. De même, Emma s’éloigne à tel point de ses proches qu’elle n’est même plus maîtresse de son image, totalement fabriquée par son entourage politique. Au départ, Emma pensait qu’elle ne serait députée que quelques années mais l’engrenage s’est refermé sur elle et va la conduire, d’une certaine façon, à sa perte lorsqu’elle sera accusée du meurtre d’un journaliste qui menace de dévoiler les agissements de sa fille.

 

Dans la deuxième partie du livre, on assiste au procès d’Emma. Vous faites parler de nombreux témoins et jusqu’au dernier moment le lecteur ne sait pas quel sera le verdict des jurés.

S. V. - Ce qui m’intéressait avant tout, c’est d’avoir le maximum de points de vue et que le lecteur puisse être lui aussi dans la position de juré. Pour cela, je me suis beaucoup documentée, j’ai assisté à un certain nombre de procès afin de comprendre le mécanisme qui fonde une intime conviction. Celle-ci n’étant que le reflet des témoins appelés à la barre et pas nécessairement la réalité des faits.

 

Ce livre vous-a-t-il demandé un gros travail de documentation ?

S. V. - Oui, bien sûr. Je voulais que tous les détails sonnent juste, aussi bien la description du milieu politique que celui de la justice. J’ai rencontré des parlementaires, des juristes, un détective, des avocats, j’ai beaucoup parlé avec des adolescents. De même pour les tweets cités dans le livre : ils sont inventés mais je me suis fortement inspirée de ceux que j’ai pu lire, qui étaient aussi violents et vulgaires !

 

Pouvez-vous nous dire un mot sur le titre ?

S. V. - Dans sa version anglaise, le titre est le seul mot « Reputation ». Ce qui me semble important, c’est de faire comprendre au lecteur à quel point une réputation se fait et se défait dans notre société, combien nous pouvons être à la merci des mots des autres et à quel point il faut s’en protéger.

 

Emma Webster est députée à la Chambre des Communes. Une photo d’elle à la une d’un journal national lui vaut une volée de tweets très violents. Au même moment, elle découvre que sa fille adolescente est également harcelée. Voulant faire passer une loi contre le cyber-harcèlement, Emma se rapproche d’un journaliste soi-disant prêt à l’aider. Or cet homme s’avère odieux. Et les choses se compliquent le jour où celui-ci est retrouvé mort dans la maison d’Emma. La députée, aussitôt accusée d’homicide, clame son innocence. Ce livre montre à quel point la notoriété expose et peut faire basculer la réputation de quelqu’un en quelques heures, tout en démontrant avec brio le danger que peuvent représenter les réseaux sociaux dans notre société.