Littérature française

Ananda Devi

Manger l’autre

photo libraire

Chronique de Marc Rauscher

Librairie Majuscule-Birmann (Thonon-les-Bains)

Dans une fable mêlant grotesque et humour noir, à travers le destin d’une jeune obèse, Ananda Devi tend un miroir grossissant en direction de notre société des apparences.

Au commencement était un nouveau-né pesant près de dix kilos. Face à cet avatar de Gargantua, les réactions furent diverses. Sa mère, obnubilée par son apparence, ne put supporter d’avoir mis au monde cette aberration et prit la fuite, tandis que son père, en admiration devant ce Bouddha vivant, se fit un devoir de créer pour sa fille une religion dont il serait l’unique fidèle. Pour elle, il invente une mythologie où elle aurait absorbé sa jumelle dans la matrice maternelle et multiplie les offrandes de mets savoureux. La jeune fille grandit dans un corps qui la voue aux moqueries de ses camarades de classe. Un jour, son corps ne peut plus passer la porte et la cloue littéralement au pilori. Suite à cet incident, elle rencontre René le charpentier. Cet homme a lui aussi connu le rejet de ses contemporains et est attiré par les femmes rondes. Leurs deux solitudes s’accordent et l’espace d’un instant, la jeune fille semble prête au bonheur, mais notre société supporte mal ce qui sort de l’ordinaire. Jouant sur nos empathies et nos répulsions, Ananda Devi propose un conte noir nous invitant à réfléchir sur le regard que nous portons à ceux qui nous entourent.

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