Essais

Charles Pépin

Vivre avec son passé

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Chronique de Delphine Demoures

Librairie des Halles (Niort)

Dans son dernier essai, Vivre avec son passé, le philosophe Charles Pépin s’appuie sur Bergson et les nouvelles formes de thérapies rendues possibles par le progrès des neurosciences pour alléger l’existence et s’en accommoder. Une exploration stimulante de la mémoire et des souvenirs.

« Ignorer ce que nous avons vécu est un leurre, vouloir le revivre une folie. » Charles Pépin convoque, dans son dernier essai, des classiques de la philosophie, de la littérature, de la chanson et du cinéma pour nous aider et nous guider dans cette approche et cette reconquête de notre passé. Dans ce livre éclectique, il cite les grands penseurs – Bergson, Nietzsche, Jankélévitch mais aussi Jacques Brel, Jacques Higelin, Simone Weil, Charlotte Delbo, Marcel Proust ou Zlatan Ibrahimović. Le passé est une matière que l’on peut retravailler, une partition que l’on peut réinterpréter, un texte que l’on peut réécrire ou bien un pays perdu que l’on peut retrouver. Le philosophe démontre avec brio comment le passé n’est pas derrière nous, au contraire, et comment il persiste indéfiniment par une multitude de façons. Les présences du passé se sédimentent et sont constitutives de notre personnalité et de nos perceptions. Pour aller de l’avant, il nous faut trouver la bonne distance avec notre propre histoire, avec l’enfant que nous avons été, les épreuves et les joies qui nous ont transformés. Charles Pépin nous invite à apprendre comment nous sommes traversés et habités de passé malgré la tendance actuelle qui nous amène à vivre un maximum le moment présent et à faire table rase du passé. Le philosophe explique avec clarté pourquoi il est important de faire un effort de réminiscences. Dans notre façon de percevoir les choses, de les ressentir, de les vivre, de les penser et d'avancer vers l'avenir, nous sommes la somme de notre passé. Il est « ramassé » en nous, comme l'expliquait déjà Henri Bergson dès la fin du XIXe siècle. Charles Pépin insiste sur le fait que notre bonheur dépend de notre capacité à accepter, à accueillir notre histoire et même, souvent, à la réécrire. « Cautériser ses blessures, bien vieillir, être capable de se souvenir des belles choses pour en provoquer d'autres, savoir se retourner pour mieux se projeter : tout cela est possible pour qui sait vivre avec son passé» Selon sa thèse, « si mon passé a fait de moi ce que je suis, je peux aussi en faire quelque chose de nouveau ». En effet, le passé nous constitue mais ne nous détermine pas. « La condition pour m'alléger consiste à me tourner vers mon passé, à le questionner, à l'analyser et même, parfois, à intervenir dedans. » Les souvenirs ne sont ni objectifs, ni figés. Nous pouvons nous en saisir, les retraiter, les réimaginer et mieux les vivre. Le progrès des neurosciences et des nouvelles thérapies pourrait ainsi induire un rééquilibrage salvateur de notre perception du temps !

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