Littérature étrangère

Jake Adelstein

Tokyo Detective

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Chronique de Guillaume Chevalier

Librairie Mot à mot (Fontenay-sous-Bois)

Après Tokyo Vice, voici Tokyo Detective. L’histoire d’un journaliste devenu détective privé dans un Japon où les yakuzas ont infiltré de nombreux domaines grâce à des sociétés-écrans. Spécialiste du sujet, Jake Adelstein nous dévoile la face cachée d’un pays où le crime se niche aux frontières de la légalité…

Jake Adelstein est de retour avec une suite à l’excellent Tokyo Vice, récit autobiographique adapté depuis en série télévisée. Avec Tokyo Detective, qui peut bien sûr se lire de manière totalement indépendante, nous plongeons toujours plus profondément dans le Japon des bas-fonds, le Japon du crime, le Japon des yakuzas. Jake Adelstein nous apprend comment après avoir été journaliste (il a été le premier étranger à intégrer la rédaction du Yomiuri Shibun, le plus grand quotidien national japonais, et y travaillera entre 1993 et 2005), il est devenu détective privé, spécialisé dans les « diligences raisonnables », c’est-à-dire l’estimation de la respectabilité et de la légalité des pratiques des sociétés sur lesquelles il enquête. Des investigations incroyables et fourmillantes d’anecdotes sur les spécificités sociales et culturelles japonaises. Nous apprenons ainsi comment la pègre se sert de centaines de sociétés-écrans pour masquer leurs activités illégales, dans les domaines de l’immobilier, de la finance et des jeux d’argent (grâce aux fameux salons de pachinko) notamment. Sans oublier les diverses extorsions de fonds et la pratique permanente du chantage, pour obtenir telle ou telle faveur. Une économie parallèle et souterraine qui représente des dizaines de milliards de yens par an. Mais Jake Adelstein n’est pas l’archétype du détective solitaire. Il est entouré de personnages hauts en couleur (Saigo, un ex-yakuza devenu son garde du corps et qu’il décrit comme « la créature de Frankenstein version japonaise », Michiel, son assistante et meilleure amie, inégalable pour se documenter et remonter les pistes). Et puis survint le 11 mars 2011, le tsunami et l’accident nucléaire de Fukushima. Incroyable, mais vrai, ce récit nous explique comment les différents gangs de yakuzas se sont organisés pour porter secours aux habitants des régions dévastées avant même les forces étatiques ; leur apportant nourriture, eau potable et biens de première nécessité, pendant que le gouvernement et Tepco, l’opérateur privé du réseau électrique japonais, tentaient coûte que coûte de masquer la gravité de la situation. Au passage, les yakuzas purent blanchir de l’argent en organisant des collectes de fonds pour les victimes. Passionnant et surprenant, Tokyo Detective est un véritable plaisir de lecture autant qu’un livre indispensable pour toute personne s’intéressant à ce pays dont les codes sont si différents des nôtres. Dépaysement assuré !

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