Littérature française

Valentine Goby

L’Île haute

illustration

Chronique de Nicolas Mouton

Librairie Le Presse papier (Argenteuil)

Adorée des libraires et suivie par un public particulièrement fervent, Valentine Goby poursuit avec une exigence insensible aux grands médias, une œuvre qui s’élève toujours plus haut. Son nouveau roman est une île intérieure côtoyant les sommets.

C’est par une sensation que commence L’Île haute, celle du froid qui saisit le corps d’un jeune garçon de 12 ans, Vadim. Et peut-être cette première phrase contient-elle en germe tout le roman dont le corps et la nature sont les deux éléments. Éléments qui vont se côtoyer, s’apprivoiser et former une force et une conscience. Vadim respire mal et vient seul chercher en haute montagne l’air de la neige. Mais ce n’est pas seulement à cause de l’asthme qu’il a quitté sa mère et son quartier des Batignolles pour être recueilli par des inconnus. Nous sommes en 1942 et l’on ne doit plus l’appeler que Vincent. Pour survivre, il faut savoir partir. Une avalanche qui stoppe l’avancée de son train figure peut-être l’arrivée de la guerre : il y a ceux qui s’aident et ceux qui sont ensevelis. Vincent va découvrir les trois couleurs de la montagne (blanc, vert, jaune – les trois parties du livre) et l’aspect des saisons. Rudesse, lumière, éblouissement et efflorescence. La langue de Valentine Goby est à l’image de ces montagnes : tout y est beau et l’on pourrait citer n’importe quelle page. Tout dans cette prose est poésie. Dans ce roman initiatique, je vois pour ma part un texte où se tendent des fils, des correspondances avec tous les romans parus depuis Kinderzimmer : la guerre et l’esprit de résistance, la maladie et la lutte pour la vie (Un paquebot dans les arbres), le départ dans la neige qui évoque le début de Murène, etc. Peut-être L’Île haute est-elle aussi l’expression d’un bonheur (ou d’une sagesse) ? Les lecteurs familiers joueront à reconnaître des chemins et ceux qui découvriront l’auteure seront pris par ce printemps de l’esprit. Il ne peut y avoir d’éthique et de morale sans beauté. Valentine Goby en est la preuve éclatante.