Chaque livre de David Sala est un bijou d'émotion graphique et narrative. Avec Le Poids des héros, en nous racontant l'histoire familiale et en particulier celle de son grand-père, républicain espagnol rescapé du camp de Mathausen, David Sala se livre et nous touche plus que jamais au plus profond.

Depuis la série de bandes dessinées Replay, co-écrite avec Jorge Zentner et parue chez Casterman, ou l'illustration du conte Le Tatoueur de ciel, écrit par Hubert Ben Kemoun et également édité par Casterman, David Sala n'a eu de cesse d'alterner la bande dessinée et l'album jeunesse. En étoffant sa bibliographie, l'ancien pensionnaire de l'école de dessin lyonnaise Émile Cohl a su affiner son trait spécifique, sublimé par cette palette lumineuse tout aussi caractéristique. On retiendra notamment ses collaborations avec Jean-François Chabas avec les albums Le Coffre enchanté, Le Bonheur prisonnier, La Colère de Banshee ou encore Féroce (Casterman). À la puissance évocatrice des mots de Chabas, Sala répond merveilleusement, non sans rappeler la richesse graphique de peintres symbolistes tel Klimt. Son œuvre du côté de la bande dessinée n'est pas en reste. Sa série fantastique Nicolas Eymerich (Delcourt), scénarisée par Jentner d'après les romans d'Evangelisti, a été largement saluée. Plus récemment, son adaptation du Joueur d'échecs a connu elle aussi un succès certain et mérité. Ce court roman majeur de Zweig, réquisitoire désespéré contre le fascisme, résonne par ailleurs admirablement avec l'histoire abordée par Le Poids des héros. En effet, dans cette nouvelle bande dessinée, David Sala aborde un sujet très personnel en évoquant sa propre histoire à l'aune de l'héroïsme de son grand-père maternel qui, en plus de survivre au camp de concentration de Mathausen, s'est acharné jusqu'à la fin pour ne pas mourir avant cet homme haï entre tous : Franco. Tout d'abord, la légèreté des jeux d'enfants et les chamailleries entre frères sous le regard aimant de parents militants. Puis, aux affres de l'adolescence succède l'inquiétude existentielle de l'étudiant qui se cherche alors que les parents, eux, divorcent. Mais la vie suit son cours et la vocation se concrétise : le dessin devient un métier. Cependant, derrière chaque joie comme chaque tracas, toujours la figure tutélaire du grand-père héroïque dont le portait réalisé dans les camps par un antifasciste allemand s'inscrit dans sa vie en filigrane permanent. Ainsi, avec Le Poids des héros, David Sala nous offre sans doute son œuvre la plus intime tout en parvenant à transmettre des valeurs universelles. En outre, la splendeur du travail graphique qui accompagne ce récit ne pourra que contribuer à l'émotion déjà grande du lecteur. Attention chef-d’œuvre !