Bande dessinée
Miriam Katin
Lâcher prise
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Miriam Katin
Lâcher prise
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Sidonie Van Den Dries
Futuropolis
09/01/2014
152 pages, 22 €
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Chronique de
Guillaume Boutreux
Librairie M'Lire (Laval) -
❤ Lu et conseillé par
5 libraire(s)
- Claire Rémy
- Pascal Jacson de Par mots et merveilles (Maubeuge)
- Laurent Bojgienman de Nouvelle (Asnières-sur-Seine)
- Carine David-Imbert de Majolire (L'Isle d’Abeau)
- Dewi Guyader de Mots et Images (Guingamp)
✒ Guillaume Boutreux
(Librairie M'Lire, Laval)
Après le terrible Seules contre tous, Miriam Katin revient avec Lâcher prise. Quelques soixante-dix années séparent les histoires racontées dans ces deux bandes dessinées, les événements de la première, situés dans la Hongrie de 1944, continuent pourtant d’influencer lourdement ceux de la seconde, situés aujourd’hui à New York. Miriam parviendra-t-elle à faire la paix avec son passé ?
Miriam Katin a toujours dessiné. Lors de son service militaire en Israël, elle remplissait la fonction d’« artiste graphique ». Après son arrivée aux États- en 1963, elle se mit à travailler dans l’animation où elle devint spécialiste des décors. Pourtant, ce n’est qu’en 2000 qu’elle aborde le neuvième art avec quelques histoires courtes ; et ce n’est qu’en 2006, à l’âge de 63 ans, qu’elle réalise son premier roman graphique : Seules contre tous (réédité chez Futuropolis). Miriam Katin y relate son incroyable fuite dans les bras de sa mère, alors qu’elle n’avait que 3 ans. Sa famille appartenait à la bourgeoisie juive de Budapest. N’ayant plus de nouvelles de son mari parti à la guerre, la mère de Miriam doit tout abandonner pour échapper aux rafles nazies. Sacrifiant jusqu’à son honneur et vivant dans la peur, elle va errer avec sa petite fille à travers la Hongrie puis la Pologne, pourchassées par les Allemands et les Russes. Si ceux qui les aidèrent durant leur calvaire furent bien trop rares et si les horreurs qu’elles durent affronter furent trop nombreuses, la fin de cet exode solitaire eut quelque chose de miraculeux… Dans Lâcher prise, tout semble différent. Le temps a passé, les problèmes que doit affronter Miriam semblent insignifiants et sa vie apparaît simple et confortable. Devenu septuagénaire, Miriam Katin n’a pourtant jamais pu vraiment se défaire des traumatismes de son enfance. Même si son premier livre lui a permis de témoigner des tragédies de la Seconde Guerre mondiale et si elle mène depuis une existence non dénuée de joie de vivre, elle continue au fond d’elle de vouer une haine féroce à cette Allemagne et cette Hongrie, responsables selon elle de tous les maux de la guerre et, en premier lieu, de l’Holocauste. Aussi, lorsque son fils lui annonce son intention d’acquérir la nationalité hongroise pour pouvoir s’installer à Berlin avec sa compagne suédoise, le passé resurgit soudain avec son lot de tourments. Refusant dans un premier temps d’aider son fils dans ses démarches, elle finit par surmonter sa colère et par accepter de l’assister. Commence alors un long travail pour tenter d’exorciser cette haine profonde. Un voyage à Berlin permettra-t-il d’en récolter les fruits ? La réponse peut sembler évidente. Pourtant, à aucun moment Miriam Katin n’édulcore, ni ses sentiments ni les événements, parfois grotesques, auxquels elle est confrontée. En plus de ce dessin virtuose à la fois très jeté et très vivant, cette franchise donne à la bande dessinée de Miriam Katin une profonde humanité.