Bande dessinée

Thierry Murat

Le Vieil Homme et la mer

✒ Guillaume Boutreux

(Librairie M'Lire, Laval)

Pour son troisième livre aux éditions Futuropolis, Thierry Murat s’attaque avec talent à un texte monument de la littérature mondiale : Le Vieil Homme et la mer d’Ernest Hemingway.

À l’heure où les projets d’adaptation de romans en bandes dessinées semblent avoir particulièrement la cote dans le paysage éditorial actuel, Thierry Murat, qui n’est pas à son coup d’essai en la matière, sait singulièrement bien choisir les œuvres qu’il adapte. Que ce soit avec le magnifique Les Larmes de l’assassin d’Anne-Laure Bondoux (Futuropolis), qui relate l’étrange relation entre un enfant et le meurtrier de ses parents au fin fond de la Patagonie, ou encore avec Elle ne pleure pas, elle chante (Delcourt), d’après le récit choc d’Amélie Sarn consacré au regard d’une jeune fille sur son père abusif tombé dans le coma, le dessinateur bordelais sait inscrire ces textes avec une parfaite cohérence au sein de sa bibliographie, explorant de son trait caractéristique les profondeurs de l’intime et les méandres de l’humanité. Dans chacune de ses bandes dessinées, Thierry Murat s’attache en effet à nous montrer des personnages forts, se retrouvant à un carrefour de leur existence et qui, même si la vie les a parfois lourdement marqués, n’en demeurent pas moins acharnés à rester dignes et libres, et à refuser la fatalité. Ainsi, dans Au vent mauvais (Futuropolis), un homme tout juste sorti de prison réussit à saisir, malgré la perte du butin pour lequel il a purgé sa peine, l’étrange perche que lui tend la vie. Ainsi également de la biographie de Woody Guthrie (Nocturne), ce guitariste et chanteur folk américain qui, en dépit des nombreux coups du sort qui jalonnèrent son chemin, produisit une œuvre devenue une référence pour de nombreux musiciens et mélomanes. C’est donc fort naturellement que Thierry Murat nous offre aujourd’hui sa vision du Vieil homme et la mer, accomplissant ainsi, de son propre aveu, « un rêve de gosse ». C’est d’ailleurs à travers le regard d’un enfant que l’on découvre Santiago, vieux Cubain tout autant capable de rêver des splendeurs de l’Afrique que de discuter avec un gamin des résultats de la ligue de baseball. Et l’on se prend d’affection pour le vieux pêcheur qui, malgré le poids des années, même s’il sent – comme nous le sentons aussi – que le dernier combat est proche, ne se résout pas à abandonner son métier de toujours. Arrive alors le fameux baroud d’honneur face à cette mer immense et éternelle, qui lui envoie comme champion un fantastique poisson. La lutte sera âpre. Et, bien sûr, mortelle… L’histoire, d’une simplicité désarmante, n’en est que plus saisissante. Simplicité d’autant plus saisissante que Thierry Murat lui fait correspondre à merveille l’épure de son trait. Une bande dessinée lumineuse, idéale pour découvrir ou redécouvrir un bijou littéraire.

Les autres chroniques du libraire