Littérature étrangère

Dolores Reyes

Miseria

✒ Victoire Vidal-Vivier

(Librairie La Bouillotte, Saint-Jean-en-Royans)

Suite de Mangeterre paru en 2020, Miseria nous entraîne en Argentine, dans les pas de jeunes filles disparues. Onirique et dérangeant, c’est un roman toujours féministe, à la fois sombre et porteur d’espoir.

Quand nous avions rencontré Mangeterre, elle était adolescente et avait pour la première fois mangé de la terre lors de l’enterrement de sa mère, découvrant ainsi involontairement les causes de son décès. Car Mangeterre est voyante, même si elle ne veut pas être considérée comme telle. Lorsqu’elle avale de la terre, elle voit ce qui est arrivé aux nombreuses victimes de féminicides. Dans cette suite, Mangeterre est partie à la ville avec son frère Walter et la toute jeune compagne de celui-ci, Miseria, qui est enceinte. Tous les trois ont quitté leur village pour fuir les fantômes qui les poursuivaient ainsi que les ennemis que la jeune femme s’était fait en mangeant de la terre. Dans cette grande ville où les voyantes sont légion, Miseria veut que Mangeterre utilise son don pour gagner de l’argent et leur permettre d’avoir une vie meilleure. Peu à l’aise avec ses visions, elle refuse d’abord, ne voulant plus ressentir la souffrance et le deuil des autres. Désœuvrée, elle fait toutes les nuits des rêves étranges dans lesquels elle discute avec son ancienne institutrice assassinée, alors que quelque chose semble menacer la vie de Miseria et de son bébé. Pour sauver sa belle-sœur, Mangeterre renoue petit à petit avec la magie. Mais quand son don entre en conflit avec celui d’une autre, elle se retrouve en danger. Plus optimiste et tendre que Mangeterre, Miseria nous donne à voir ce personnage torturé sous un nouveau jour, désormais pleinement adulte. On retrouve l’univers fascinant que Dolores Reyes a construit, entre féminisme militant et réalisme magique, qui nous envoûte toujours autant, avec ce petit quelque chose propre à la littérature sud-américaine qui se situe souvent à la frontière de l’extrême noirceur et de la lumière.

Les autres chroniques du libraire