Essais

Jim Harrison

La Recherche de l'authentique

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Chronique de François-Jean Goudeau

Etablissement Scolaire ESTHUA - Université d'Angers (Angers)

Avec ce recueil d’articles parus entre 1972 et 2015, Flammarion nous offre le testament idéel et idéal de Jim Harrison. Un concentré d’intelligence, de lucidité, d’aventure et de dérision éveillées.

« C’est l’art de la prose et de la structure que je recherche, non pas une espèce de sagesse moisie. Les bons écrivains paraissent savoir que nous sommes éternellement inconsolables. » Big Jim en était un, assurément. Et même si, comme moi, vous êtes parfaitement hermétiques à la pêche et à la chasse, vous suivrez avec bonheur les déambulations, dans les forêts et sur l’eau, de l’auteur de Légendes d’automne et de Dalva : à 19 ans, quand il relit à New York tout Dostoïevski dans une piaule à sept dollars par semaine ; à 40 ans, en pleine joute avec un marlin rayé, à 35 kilomètres des côtes de l’Équateur ; en canoë, tel un Indien dans des descentes de rapides, perdu dans les bois à s’émerveiller des nuances de la nuit ; quand il dit son goût pour l’écriture à la première personne du féminin singulier, avec Jack Nicholson devant un match des Lakers. Tout devient littérature dans le regard du borgne. Avec toujours un champ lexical précis, amoureux, respectueux de la faune et de la flore... et beaucoup moins de ses contemporains ! Cette dernière balade est une sorte de manuel de sur-vie à destination de celles et ceux qui n’oublient pas que l’existence, c’est d’abord réussir à composer avec soi et créer « un espace sauvage inviolable avec lequel il vous faudra bien vivre ». Une dramaturgie intime pour « se laver », s’extraire du mouvement rance du « monde réel », où seule « l’eau nous allège. Surtout l’eau vive ». Jean Harambat, l’élégant dessinateur du Detection Club ou d’Opération Copperhead (Dargaud), est un admirateur de l’écrivain du Michigan. Un de ses récits – La Rivière, publié dans le premier numéro de la revue Pandora aux éditions Casterman – est d’ailleurs, selon ses propres mots, « une BD de quelques pages d'inspiration personnelle et jimharrisonnienne ». Je viens de lui conseiller cette Recherche de l’authentique : il s’est empressé de l’acquérir et de la lire, avec cette impression d’y retrouver « un vieil ami ». Vous y retrouverez aussi une joie intranquille ou plutôt une intranquillité joyeuse qui nous rappelle que « lorsqu’on a perdu une chose très précieuse, il est toujours possible de partir à sa recherche ». Une authentique émotion.

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