Bande dessinée

Tyto Alba

La Casa Azul

illustration
photo libraire

Chronique de François-Jean Goudeau

Etablissement Scolaire ESTHUA - Université d'Angers (Angers)

Si nous sommes gâtés par la qualité nouvelle des (nombreuses) adaptations de textes littéraires en bande dessinée, nous le sommes également par des portraits originaux d’artistes offerts récemment par le genre. Des hommages à des femmes et des hommes aux destins, horizons, émotions pluriels : petite sélection.

C’est en face de la célèbre Maison Bleue, première et dernière demeure de Frida Kahlo – un musée depuis que Diego Rivera en a fait don en 1958 –, que s’ouvrent l’histoire de La Casa Azul (de l’espagnol Tyto Alba) ainsi que le dialogue entre un jeune homme et une vieille chanteuse alcoolique, Chavela Vargas, icône dont la carrière est alors en sommeil. Cet échange, au chaud d’un café de la banlieue de Mexico aux effluves de fumée et de tequila, est un prétexte à visiter le passé des années partagées avec la peintre aux vicissitudes « heurtées ». Un hommage à deux figures féminines et artistiques résilientes, fascinantes. Profondément touchant.
La biographie de Panaït Istrati par Golo est tout aussi réussie. Avec une œuvre ambitieuse en deux tomes de presque 500 pages extrêmement denses, il nous invite dans le tourbillon fécond de l’existence de cet écrivain roumain de langue française. Un tourbillon émaillé d’amitiés, de folies, de colères, de traversées, de fuites. Et, surtout, de libertés. Accompagné de quelques illustrations pleines de grâce (le dessin de Golo évoquant Bruno Heitz et le Hergé d’avant les studios) et d’extraits lumineux de sa correspondance avec Romain Rolland, on est sous le charme de ce vagabond, parfois méprisable, souvent attachant, et toujours aux prises avec les plus grandes douleurs comme les plus grandes espérances.
Wolfgang Amadeus a quant à lui l’honneur de deux très jolis titres dans des registres absolument différents. Mausart de Thierry Joor et Gradimir Smudja est un livre d’une virtuosité graphique sidérante, dans un style animalier d’un raffinement et d’une élégance rarement atteints depuis Michel Plessix, qui prend la forme d’une fable enfantine plurigénérationnelle. Mozart à Paris de Frantz Duchazeau, auteur par excellence de la bande dessinée dite musicale, comblera un public plus adulte. Entre l’exigence du propos et les références poétiques à Swift ou McCay, ce portrait d’un génie qui vivote dans le Paris superbe et miséreux de la fin du XVIIIe siècle est une merveille plastique, documentée et fantaisiste à la fois.
Enfin, dans la collection « Écritures » chez Casterman, pourvoyeuse, notamment grâce au duo Catel-Bocquet, des meilleures biographies des gens de l’art (Kiki de Montparnasse, Joséphine Baker), ayez la curiosité d’approcher Merdre. Les frasques drolatiques, forcément ubuesques et tragiques du père d’Ubu ne vous laisseront pas indifférents. « Surréaliste dans l’absinthe », comme l’écrit André Breton, Alfred Jarry est un personnage et un auteur qui reste encore à découvrir. Scénarisé par Rodolphe, l’ouvrage est illustré par Daniel Casanave, habitué à la mise en lumière de grandes figures littéraires (Baudelaire, Verlaine, Flaubert, Shelley).

 

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