Littérature étrangère

Giorgio Vasta

Dépaysement

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photo libraire

Chronique de Mélanie Le Loupp

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Qu’est-ce que l’Italie aujourd’hui ? Grâce au regard du personnage principal de Dépaysement, le lecteur pourra en partie répondre à cette question. C’est à travers une balade au cœur de l’Italie, à Palerme exactement, que le lecteur trouvera l’occasion d’explorer quelques pistes…

Trois jours à Palerme. Trois jours durant lesquels le narrateur dissèque minutieusement chaque instant et chaque geste afin de le transformer en un moment unique. C’est au cours de son passage dans sa ville natale, dans laquelle il n’est pas revenu depuis plusieurs mois, que le narrateur se livre à une expérience pour le moins intéressante. Suite à une émission géologique qu’il regarde à la télévision et qui s’intéresse au carottage des roches tenaces, le narrateur se décide à faire de même auprès de tout ce qui se trouve à proximité de lui. En effet, ces trois jours de vacances à Palerme vont devenir trois jours d’études, d’observations et d’analyses. C’est en allant à la plage, en regardant par la fenêtre, en se baladant dans les artères de Palerme ou encore en restant à l’écoute de badauds dans des bars, que le narrateur prend la température de son environnement et « en retire des gorgées de connaissance ». Le narrateur se mue dès lors en une sonde humaine. En conséquence, Palerme devient le terrain d’expérience d’où surgit une certaine représentation de notre époque. Et c’est à partir de cette somme d’informations recueillie dans les rues de Palerme, ce qu’il nomme « carottage », que le narrateur peut analyser à plus grande échelle son pays. Tandis que Palerme apparaît comme une manière de concentré de l’Italie, telle une sonde humaine, le narrateur capture des informations, de la plus insignifiante à la plus essentielle, pour dresser le tableau de ce qu’est l’Italie, et surtout pour comprendre comment fonctionne son pays et ce qui le gouverne (Berlusconi alors). Dépaysement est un récit précis. Au même titre que Le Temps matériel, Giorgio Vasta octroie à son personnage principal la faculté de tester son environnement. Ici encore, dans ce second roman, les personnages secondaires sont des figurants affublés de surnoms (l’Ongle, Topinambour) qui n’interviennent qu’à titre informatif. La violence des enfants est une fois de plus soulignée et il est intéressant de se demander si cette violence est naturelle ou influencée par la société. C’est à partir de ces faits infimes que Giorgio Vasta dresse un portrait sombre de son pays, dénonçant sa violence, le mensonge ou même la superficialité. Dépaysement se dresse comme un bilan qui fait plus d’une fois penser aux écrits d’Albert Camus, tant au niveau de l’atmosphère et de la réflexion que du style. Et une fois de plus, le livre de Giorgio Vasta est un événement littéraire.