Polar

Ronan Gouézec

Rade amère

Chronique de Jean-Baptiste Hamelin

Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu)

Ronan Gouézec pratique le vagabondage côtier et littéraire, dixit son éditeur. Il pratique aussi, avec une grande maîtrise, la pêche au lecteur qu’il harponne pour ne plus le lâcher.

Caroff, ancien pêcheur, traîne ses misères sur la rade de Brest, pousse la porte de son mobil home pourri au fond d’une impasse industrieuse, entoure de ses bras sa femme et sa fille, ses seules bouées. Un paria. Caroff est un paria qui a, par folie ou inconscience, perdu un jeune matelot en mer. La rancune est tenace sur le port, les marins ne lui font pas de cadeaux. Brieuc, lui, se refait une santé après le départ de sa femme, réapprend à vivre, entreprend. Ces deux-là ne se connaissent pas, rien pour les rassembler. Et pourtant. Tranquillement, Ronan Gouézec serre le nœud coulissant de son intrigue. Il alterne avec talent scènes de pêche innocentes et balades en compagnie d’un couple de retraités. Caroff a basculé. Il a accepté un contrat et pêche désormais de la drogue en ballot en compagnie de deux petits caïds. Il a mordu à l’hameçon mais pense encore pouvoir échapper à la nasse. Bien sûr, Caroff rencontrera Brieuc pour un feu d’artifice final. Paradoxalement, ce « noir » se dévore mais s’apprécie aussi lentement. L’homme est un animal à apprivoiser ou à combattre dans une nature tour à tour superbe ou hostile : il est sûr de lui cet animal mais tellement minuscule face à l’océan.

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