Littérature étrangère
Manu Joseph
Les Savants
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Manu Joseph
Les Savants
Traduit de l’anglais (Inde) par Bernard Turle
Philippe Rey
18/08/2011
416 pages, 21 €
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Chronique de
Jean-Baptiste Hamelin
Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu) -
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- Jean-Baptiste Hamelin de Le Carnet à spirales (Charlieu)
✒ Jean-Baptiste Hamelin
(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)
Intouchable ? Non. Car désormais le politiquement correct requiert d’employer le terme de dalit pour désigner les membres de cette caste inférieure. Le terme change, la réalité demeure. Un superbe premier roman.
Ayyar, le père, est né intouchable dans un BDD, « ruche de dix mille appartements d’une pièce répartis dans cent vingt bâtiments de trois étages », soit 80 000 personnes. Bienvenue en Inde.
Loin des clichés et des comédies musicales à la mode, Manu Joseph fournit une formidable photographie sociale, économique et culturelle de ce pays en plein développement, en pleine occidentalisation aussi et pourtant figé dans un certain nombre de ses traditions, dont celle des castes. Inconscient celui qui veut lutter contre celles-ci. Inconscient certainement, mais formidable personnage de roman, car Ayyar ne veut plus de cette vie, ni pour lui ni pour son fils, Adi. Adi, sourd d’une oreille, est surdoué. Ayyar essaiera par tous les moyens, y compris en utilisant son fils, de grimper les échelons et d’échapper à sa misérable condition. Il provoque les brahmanes, joue de ses relations, recourt à des ruses… Ayyar travaille dans un institut de recherches, « l’asile des grands esprits ». Il s’y rend chaque jour et multiplie les petits actes de rébellion, de désobéissance, d’impertinence, semant là des citations désobligeantes pour les « grands esprits », écoutant ici les conversations téléphoniques, lisant les rapports… Manu Joseph s’amuse – le lecteur aussi – à décrire ce monde de scientifiques qui gravite à mille lieues du quotidien prosaïque que partagent leurs concitoyens. Toutefois, ces malicieuses facéties laissent vite place à une description plus âpre de la société de Bombay. Manu Joseph est journaliste. Ce livre peut être lu comme un reportage très cru sur l’Inde actuelle bouleversée par le progrès et la mondialisation. Car le progrès et le confort ne se partagent pas. Seules les castes supérieures en bénéficient. Les dalit sont encore et toujours les grands oubliés, esclaves de ces temps « modernes » qui ne peuvent étudier ou accéder aux postes importants. Qui est Ayyar ? Le pot de terre contre le pot de fer, David contre Goliath, Ayyar contre lui-même. Un beau roman, joyeux et triste, perspicace et naïf, dépaysant de toute façon.