Littérature française

François Vallejo

Efface toute trace

✒ Jean-Baptiste Hamelin

(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)

Une banane scotchée sur un mur par l’artiste italien Maurizio Cattelan a atteint la somme de 120 000 dollars. Le collectionneur David Datuna a attendu quelques heures pour la manger. Art contemporain ou folie humaine ?

Un homme, notre narrateur, a été choisi par un consortium de collectionneurs d’art contemporain après le meurtre de plusieurs des leurs. Les mises en scène macabres peuvent laisser croire que ceux-ci sont liés. L’homme va alors découvrir, au cours de son enquête, ce qui unit les victimes. Habilement, Vallejo, au cours des comptes rendus de notre expert, va distiller quelques informations laissant à penser que ces collectionneurs sont unis par un artiste. Le trouble et la peur augmentent peu à peu dans le consortium : qui sera le prochain sur la liste ? Cet artiste mène-t-il le jeu ? Véritable questionnement sur l’art et principalement sur celui, parfois incompréhensible, de l’art contemporain, Efface toute trace repositionne la valeur de l’œuvre sur l’échiquier de la vie. Obsession du collectionneur jusqu’à la mort, folie de l’artiste, valeur marchande des œuvres, autant de sujets pertinemment traités. C’est un jeu de bluff entre quelques riches. C’est un jeu d’ennui pour ceux qui, possédant déjà tout, se lassent. C’est une porte ouverte sur l’art pour ces néophytes collectionneurs qui, de l’œuvre, préfèrent la valeur marchande à l'esthétique et la technique. Un jeu de dupes dont on se demande qui sont les réels perdants. Alors, quand notre expert rencontrera l’artiste, que deviendront ses certitudes devant la folie de ce dernier ? Vallejo, à coup sûr, s’est amusé à décrire ces scènes de crime, ces milliardaires à l’ennui mortel devenus eux-mêmes « œuvres d’art ». Cependant, cette enquête minutieuse, est également une réflexion sur la vacuité, sur la soif de posséder, sur ce qui fait la valeur d’une œuvre, sur la vanité de l’artiste et du collectionneur. C’est féroce. C’est cruel. C’est brillant et profond. Vallejo est un auteur définitivement insaisissable, écrivain d’une œuvre à collectionner°! Alors, la banane sur un mur, on la mange ?

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