Littérature étrangère
Demian Lienhard
Le Jazz Band de Goebbels
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Demian Lienhard
Le Jazz Band de Goebbels
Traduit de l'allemand par Pierre Deshusses
JC Lattès
22/01/2025
240 pages, 21,90 €
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Chronique de
Jean-Baptiste Hamelin
Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu) -
❤ Lu et conseillé par
1 libraire(s)
- Delphine Bouillo de M'Lire (Laval)
✒ Jean-Baptiste Hamelin
(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)
Quand le Jazz, cette « musique dégénérée », servait la propagande nazie sous la houlette de Goebbels, avec le groupe Charlie and his orchestra sur les ondes britanniques ! Étonnant, non ? Et pourtant.
La perfidie d’un régime dans toute sa splendeur ! Une histoire incroyable dont s’empare avec brio l’auteur allemand Demian Lienhard dans Le Jazz Band de Goebbels, surnom donné à ce groupe composé de musiciens de tous horizons, certains juifs, d’autres homosexuels, jouant pour leur survie. Reprenons. Goebbels, constatant le succès de ce style de musique, s’en empare : les plus grands standards de jazz seront interprétés après en avoir modifié le texte afin de propager « la bonne parole ». Cette programmation germanique s’appelle « German Calling » et est animée par William Joyce, Irlandais fasciste qui deviendra bientôt une vedette, la voix d’Hitler sur les ondes anglaises. William Joyce, surnommé Lord Haw-Haw, a attiré plus de quinze millions d’auditeurs en Grande-Bretagne et en Irlande. À la libération, il sera le dernier pendu pour faits de haute trahison. Un écrivain suisse, personnage fictif, mise en abyme de Lienhard, Fritz Mahler, est chargé par les autorités allemandes, à son grand désarroi, de suivre le groupe et d’écrire son histoire. Son travail avance péniblement, sans réelle envie, de manière fragmentée mais décrit le groupe et l’animateur radio avec une ironie mordante. Demian Lienhard, par la voix de Fritz Mahler, permet de suivre en détail le quotidien de chacun des membres du groupe. Ce sujet passionnant, celui de l’art au service d’une dictature, d’artistes asservis par un régime, est traité ici avec beaucoup de dérision et d’humour. Ce parti pris peut surprendre tant le contexte de l’époque ne prête pas à la plus franche rigolade. Mais cette main basse sur l’art typique des mouvements totalitaires méritait d’être caricaturée. Ce choix délibéré de l’auteur est expliqué et contrebalancé dans des postfaces passionnantes sur l’exercice d’écriture et ses recherches, sur le devenir des personnages.