Littérature étrangère
Sarah Hall
L’Atelier
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Sarah Hall
L’Atelier
Traduit de l’anglais (États-Unis) par Éric Chédaille
Christian Bourgois éditeur
12/01/2023
272 pages, 21 €
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Chronique de
Jean-Baptiste Hamelin
Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu) - ❤ Lu et conseillé par 11 libraire(s)
✒ Jean-Baptiste Hamelin
(Librairie Le Carnet à spirales, Charlieu)
Une puissance intense se dégage de cet Atelier, le sixième roman de Sarah Hall qui aborde énormément de thèmes avec un talent unique, une distance hypnotique, une sincérité troublante et une exigence rare. Une réussite.
Burntcoat (titre original de ce roman) est un entrepôt immense et défraîchi, abandonné à la nature, au centre d’une lande anglaise belle et hostile à la fois. Cet entrepôt est l’atelier et la demeure d’Edith Harkness, artiste largement reconnue qui vit recluse en ces lieux envoûtants. Sculptrice d’œuvres monumentales, Edith sait sa mort proche, la maladie rongeuse qui la dévore. Alors elle se raconte et le lecteur, bluffé par la qualité de la langue, la beauté des phrases, la rudesse du propos, est tenu en haleine, dérouté, souvent bousculé mais profondément séduit. Sarah Hall sculpte, comme son héroïne, dans le matériau brut de la vie, dans la solitude profonde d’Edith. Noémie est sa mère, sa muse, celle pour qui elle crée sans cesse, celle avec qui elle a vécu en marge d’une société qui la considérait, elle, Noémie, femme diminuée et malade, comme une sorcière, une incapable d’amour. Un amour exclusif et magnifique vécu comme une sorte de confinement volontaire. Plus tard, une pandémie redoutable nécessite de s’isoler, de fermer portes et cœur, pour vivre en retrait. Alors, Edith ouvre sa porte à son nouvel amant, Halit, restaurateur marqué par l’exil. Solitaire, la sculptrice vivra ce confinement à deux, dans un quotidien où l’érotisme suscite la création, l’art déclenche l’amour. L’apprentissage des corps, le récit de leurs vies, de ces failles qui les habitent, les installent hors monde, de ce monde devenu violent par trop d’enfermements et de brimades. Ces scènes sont belles autant que redoutables quand Halit contractera ce maudit virus : elles offrent des pages d’une puissance rare sur la déchéance d’un corps, sur son délitement et sa disparition lentement définitive. Et pourtant, l’art encore, comme un phare dans une nuit d’encre, apporte l’espoir et quelques réponses.