Essais

Philippe Lafargue

La Bataille de Pylos

✒ Manuel Hirbec

(Librairie La Buissonnière, Yvetot)

Moins célèbre que Marathon et Salamine, la bataille de Pylos fut pourtant un moment décisif de l’Athènes antique, étrangement minimisé par Thucydide. Philippe Lafargue nous en donne un nouvel écho, vivant et vivifiant.

Si les noms de Marathon et Salamine résonnent à nos esprits, celui de Pylos nous est inconnu. Pourtant, cette bataille remportée par les Athéniens en 426 avant J.-C. sur les redoutables Spartiates, constitue un événement majeur dont l’écho résonnera longtemps dans le monde grec… jusqu’à nous parvenir aujourd’hui, rehaussé par le limpide et lumineux essai de Philippe Lafargue. Revisitant La Guerre du Péloponnèse de Thucydide, l’essayiste interroge les raisons qui ont poussé l’historien antique à minimiser cette bataille, et, plus largement, à historiciser les affrontements entre Athènes et Sparte en imposant l’idée d’une longue guerre de vingt-sept années. Articulé en deux parties aussi passionnantes et vivantes l’une que l’autre, l’essai s’ouvre sur le récit sensible de la bataille, avant de se prolonger sur les conséquences de l’inattendue victoire athénienne, car « l’événement révèle les structures profondes d’une société souvent en mutation » : modification des stratégies de combat, affrontements des modèles politiques, changement des rapports de force, capacité ou non de conclure la paix, modération politique et ambitions impériales. Grâce à une intéressante diversification des points de vue et à une analyse propre, Philippe Lafargue pousse intelligemment le lecteur à reconsidérer la vision historique imposée par Thucydide et ses commentateurs, sans pour autant nier l’apport fondamental de l’auteur. Plus profondément, il interroge l’écriture même de l’Histoire. S’inscrivant dans la voie ouverte par Georges Duby avec Le Dimanche de Bouvines (Folio), ou par Paulin Ismard avec L’Événement Socrate (Flammarion, 2013). Cette Bataille de Pylos augure-t-elle une nouvelle et vivifiante écriture de l’Histoire antique ? On ne peut que le souhaiter.

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