Noires origines

Nous sommes au XVe siècle. L’Amérique n’est pas encore découverte, la période dite des grandes découvertes en est encore à ses prémices. Le Portugal va prendre de vitesse ses voisins européens : ce petit pays, modeste et infortuné, va réussir à développer le commerce de l’or en Afrique de l’Ouest et prendre de court les grandes puissances voisines. C’est cet or qui va financer de grandes expéditions, notamment celle de Vasco de Gama, et donc l’arrivée des Européens dans les Indes orientales qui marquera le début de la mutation civilisationnelle du monde global. Ainsi, en examinant l’Histoire d’un point de vue mondial et non plus seulement à travers notre lorgnette occidentale, il est indéniable que l’essor de l’Europe n’est pas lié à une caractéristique innée qui aurait établi sa supériorité, mais plutôt à de multiples conflits tombés dans l’oubli pour s’assurer le contrôle des richesses africaines qui ont édifié le monde moderne. D’ailleurs, avant le XVe siècle, l’Europe de l’Ouest est plutôt la destinataire passive d’avancées civilisationnelles (en sciences, techniques, philosophie…) développées dans d’autres régions du monde. Et Howard W. French ne parle pas seulement d’or mais aussi d’asservissement des corps noirs : sans les esclaves venus d’Afrique, les Amériques n’auraient pas permis à l’Europe d’acquérir une position dominante dans le jeu politique et économique mondial ! Et les méthodes coercitives élaborées scientifiquement pour mettre au travail les esclaves sont documentées à la perfection, à une époque où l’Afrique était dénuée d’importance et n’avait pas d’Histoire aux yeux des futurs colonisateurs. Ainsi, cette somme corrige notre récit moderne de l’Histoire pour mettre en son centre un continent asservi et sa population sacrifiée sur l’autel de la mondialisation.