Littérature étrangère
Gabriel Garcia Marquez
Nous nous verrons en août
-
Gabriel Garcia Marquez
Nous nous verrons en août
Traduit de l'espagnol (Colombie) par Gabriel Iaculli
Grasset
13/03/2024
144 pages, 16,90 €
-
Chronique de
Ophélie Drezet
Librairie La Maison jaune (Neuville-sur-Saône) - ❤ Lu et conseillé par 12 libraire(s)
✒ Ophélie Drezet
(Librairie La Maison jaune, Neuville-sur-Saône)
Nous nous verrons en août marque le point final de ce que nous connaîtrons des fictions de Gabriel Garcia Marquez. L’immense génie du réalisme magique nous livre un conte catalyseur de ses thèmes les plus chers avec force et clarté, grâce à une femme profondément humaine et empreinte d’une fougue insoupçonnée.
Depuis 2004, le grand écrivain colombien n’avait plus publié de fiction. Rongé par des pertes de mémoire jusqu’à sa mort en 2014, il travaillait sur un projet de roman constitué de cinq récits autonomes sur les « amours des personnes âgées », avec pour personnage récurrent Ana Magdalena Bach. Un seul a été achevé et c’est celui-ci que nous lisons avec délice, comme un point final à l'œuvre de ce géant. Bien qu’il ne voulût jamais le publier, le considérant comme un mauvais texte, ses deux fils préfèrent le voir comme « le fruit de son ultime effort pour continuer à créer contre vents et marées ». Ils ont repris le manuscrit de leur père, sur lequel ils n’ont opéré aucune modification, pour le publier aujourd’hui, et signent la postface dans laquelle ils expliquent leur démarche. Et l’émotion qui s’empare du lecteur à la découverte du texte est inévitable. Outre un prix Nobel qui l’inscrit dans un panthéon littéraire mondial, Gabriel Garcia Marquez troquait ses souvenirs en histoires riches en imaginaire, en sentiments humains profonds et en personnages fantasmagoriques, pourtant universels et humains. Nous nous verrons en août ne se place pas dans la veine des grands romans abondants, riches, au réalisme magique prégnant de l’auteur mais du côté de ses contes à l’écriture plus limpide et à l’intrigue plus claire. Ana Magdalena Bach est une femme bourgeoise, mariée et modérée. Chaque 16 août, elle se rend sur l’île où est enterrée sa mère afin de déposer une gerbe sur sa tombe. Elle y dort une nuit avant de retourner à sa vie bien rangée. Mais, une année, elle se laisse aller à son désir pour un inconnu rencontré dans un bar, avec lequel elle connaîtra l’extase d’un soir. Désormais, chaque année, pour une nuit, elle laisse parler son désir avec un homme, tout en maintenant sa vie rangée avec une féminité nouvelle. La mort, la vieillesse, la chair, l’amour : quel délice de retrouver les thèmes chers à Gabriel Garcia Marquez. Et son attention aux sentiments, aux discrets détails qui dirigent les relations entre les humains nimbent chaque phrase du texte ; la vivacité des émotions est sublimée, tout comme les troubles fugaces, invisibles qui décident parfois de la destinée d’une vie humaine, de la saveur qu’elle possède et des grands tsunamis que nous sommes capables de provoquer. C’est sur ces questionnements que le maître aura tiré sa révérence.