Polar

Ian Manook

Yeruldelgger

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photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

Si vous rêvez d’arpenter à cheval les vastes plaines de Mongolie et de passer vos nuits dans une yourte, lisez ce roman. Mais attention, vous n’êtes pas au bout de vos surprises, le voyage va être très mouvementé et vos rêves chahutés. Dépaysement et frissons garantis !

Yeruldelgger ! J’ai mis plus de temps à me familiariser avec ce prénom qu’à lire ce gros roman policier de 500 pages dévoré en quelques heures. Je suis sûre que ce flic mongol, sorte de loup des steppes solitaire et ombrageux, va très vite séduire les lecteurs déjà conquis par Wallander, Erlendur et autres héros aux noms tout aussi imprononçables. Comme ses confrères scandinaves, Yeruldelgger Khaltar Quichyguinnkhen, qui « n’était un cadeau pour personne depuis longtemps », n’a pas été épargné par les épreuves. Policier intègre, déterminé et particulièrement courageux, il a le don de se mettre dans les situations les plus inconfortables, jusqu’à sacrifier sa vie privée. Les sous-sols mongols recèlent des trésors qui attisent les convoitises de puissances étrangères. Le gouvernement leur donnant son aval en échange de pots-de-vin, elles peuvent piller le pays en toute impunité. Que peut alors l’intégrité d’un policier face aux tentaculaires pouvoirs de multinationales sans foi ni loi ? Témoin impuissant, il voit son pays sombrer dans la misère et la corruption. Il a d’ailleurs payé cher son entêtement et sa droiture : pour tenter de le « raisonner », sa petite fille de 6 ans a été enlevée et assassinée. L’homme est abattu. Il n’est cependant pas résigné et son sang ne fait qu’un tour lorsqu’un petit vélo rose et un tout petit corps sont retrouvés au milieu de nulle part par des nomades, lesquels, inspirés par Les Experts Miami, dont ils ne manquent aucun épisode, ont bien pris soin de ne pas « polluer la scène du crime ». Que fait cette petite fille blonde occidentale toute seule au cœur des vastes steppes de Delgerkhoan ? L’ancien déclare au flic solitaire : « Son âme est avec toi maintenant. Vous vous appartenez jusqu’à ce que tu l’emmènes là où elle doit aller ». Yeruldelgger, « qui ne croit pas en grand-chose sinon la paix des âmes » et qui respecte beaucoup les traditions, ne se défaussera pas. Ce crime lui est encore plus insupportable que celui, pourtant particulièrement atroce, découvert au même moment à Oulan-Bator par sa toute dévouée collaboratrice. Pourquoi l’ambassadeur de Chine intervient-il dans l’enquête ? Que peuvent savoir ces jeunes Mongols des nazis, dont pourtant ils se revendiquent en arborant leurs infâmes symboles ? Quel lien – car bien sûr tout est savamment lié – existe-t-il avec l’enfant de la steppe ? Nulle intimidation, aussi terrifiante soit-elle, ne réussira à détourner le policier de sa mission. Être dessaisi de l’enquête ne fera que l’encourager à la poursuivre en secret, sachant qu’au-delà de la vérité c’est peut-être la paix avec lui-même qu’il parviendra à retrouver. En plus de cette captivante intrigue, Ian Manook, qui n’est pas plus Mongol que moi, nous fait découvrir une Mongolie très éloignée des belles images d’agence de voyages. Un roman vif, rythmé, parfois carrément dérangeant et absolument passionnant. Yeruldelgger : vous ne pourrez plus oublier son nom !

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