Littérature française

Lætitia Colombani

La Tresse

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photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

Titre en compétition pour le 40ème Prix Relay des voyageurs lecteurs

Trois femmes, trois vies au bord du précipice, trois continents, trois cultures. Trois combats, trois défis à la fatalité et à la maladie relevés haut la main par trois femmes résolues et courageuses. Un premier roman saisissant que toutes les femmes de la terre devraient avoir la chance de pouvoir lire.

Première sélection du Prix Renaudot 2017

 

Smita est mariée à Nagarajan, un gentil garçon qui ne l’a jamais battue ni insultée. Un homme bon qui a accepté de garder leur petite fille quand tant de pères les enterrent à la naissance, vivantes, dans une boîte en carton. Smita et Nagarajan sont des Intouchables, ceux que Gandhi appelait les enfants de Dieu. Des misérables, des invisibles, presque des nuisibles, comme les rats que Nagarajan doit chasser puisque c’est son métier. Celui de Smita est pire, elle est scavenger. Autrement dit, elle ramasse les excréments des autres à mains nues, sans un mot, parce que sa vie pourrait s’en trouver en danger. Mais Smita a décidé de rompre ce cercle infernal de traditions. Lalita apprendra à lire, à écrire et sera une femme libre. Ce matin-là, pour ce premier jour d’école, Smita habille soigneusement sa petite fille et coiffe ses magnifiques cheveux en une belle et longue tresse. Giulia aime la vie, rêve au grand amour, adore les livres et les promenades en Vespa accrochée au papa dans les rues de Palerme, et travaille dans l’atelier de perruques en cheveux naturels que son père dirige. Un métier délicat qui se perd. Ce matin-là, le papa a eu un accident de Vespa, il est dans le coma. Giulia, qui doit assurer l’intérim de la direction à l’atelier, découvre dans un tiroir du bureau paternel un papier qui va bouleverser sa vie. À Montréal, les journées commencent dès cinq heures du matin pour Sarah. Des journées marathons qui ne laissent aucune place à l’improvisation. Elle a réussi à être promue associée en equity dans le prestigieux cabinet d’avocats où elle exerce. C’est une guerrière impitoyable, une bosseuse hors pair, une avocate respectée qui ne craint personne, surtout pas ses confrères. À l’approche de la quarantaine, elle est un modèle de réussite professionnelle. Mais Sarah a découragé l’amour de deux maris, ne s’autorise aucun laisser-aller, aucun répit. Elle a tout sacrifié à son métier, surtout ses enfants. Dans son job, à son niveau, ils n’existent pas. C’est la règle. Tacite bien sûr, mais être enceinte relève de l’excentricité, alors être mère… Sarah résiste à la culpabilité et au chagrin, se convainc que ses enfants seront fiers d’elle. Comme des milliers de mères, elle enfouit ses souffrances secrètes. Ce matin-là, en pleine plaidoirie, Sarah s’est effondrée. Elle ne le sait pas encore, mais le cancer l’a rattrapée. Trois femmes emblématiques qui vont prendre leur destin en main et se battre contre tous les dangers parce qu’aucun combat n’est perdu d’avance et qu’il peut suffire de très peu pour que les forces en présence changent de camp. Laetitia Colombani entrelace avec efficacité et finesse trois portraits magnifiques reliés par ce symbole de féminité et de force qui fait si peur à certains. « Je dédie mon travail à ces femmes, liées par leurs cheveux, comme un grand filet d’âmes. À celles qui aiment, enfantent, espèrent, tombent et se relèvent, mille fois, qui ploient mais ne succombent pas. » !

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