Littérature française

Hervé Le Tellier

Electrico W

illustration
photo libraire

Chronique de Véronique Marchand

Librairie Le Failler (Rennes)

Tous les jours, avant de partir à l’école, Antonio tentait de rattraper l’Eléctrico W., le tramway-funiculaire qui descend du Bairro Alto jusqu’au centre de Lisbonne. Une course inutile, juste pour la beauté d’un pari perdu d’avance. Un matin était apparue une fillette curieusement surnommée Canard. Désormais on ne les verrait plus l’un sans l’autre et, pour plaisanter, Tonio dirait d’elle « qu’elle est la récompense d’une course à pied ». Un amour d’enfance et d’adolescence absolu et éternel. Mais Canard, âgée de 16 ans, était tombée enceinte. « Je t’attendrai tous les jours », avait-elle eu le temps de souffler à son jeune amant avant de disparaître, cachée par un père ombrageux. Rentré au Portugal après dix ans d’absence, Antonio raconte cette belle et triste histoire à Vincent. Et Vincent le velléitaire si peu doué pour la vie, Vincent amoureux chagrin d’une femme qu’il est venu fuir à Lisbonne, fils déçu par un père qui a « traversé l’existence sans le moindre éclat » et dont il eût aimé « qu’un peu de sa lumière éclaire [sa] propre vie » mais qui, à sa grande surprise, eut la témérité de choisir sa mort, Vincent qui jamais ne termine ce qu’il entreprend, va se lancer dans une quête qui le réconciliera avec lui-même : retrouver Canard. Dans le même temps, il s’astreint à une autre tâche, celle de traduire les Contos Aquosos de Jaime Monstrelas et d’écrire un roman sur Pescheux d’Herbinville, personnage totalement inconnu tué lors d’un duel stupide. C’était compter sans les surprises de la vie. À Paris, Antonio est tombé très amoureux d’une femme qu’il a invitée dans la ville de son enfance, or cette femme n’est autre que celle que Vincent tente d’oublier. Tous ignorent quels fils le destin s’amuse à tisser et sur lesquels Hervé Le Tellier brode un savoureux chassé-croisé amoureux émaillé de discrets et subtils clins d’œil littéraires. Une histoire pleine d’esprit écrite par l’un des maîtres de l’Oulipo, qui fait une prometteuse entrée dans l’écriture romanesque.

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