Littérature étrangère

Razvan Radulescu

La Vie et les Agissements d’Ilie Cazane

✒ Jean-François Delapré

(Librairie Saint-Christophe, Lesneven)

Comment parler d’un système totalitaire sans sombrer dans l’accumulation des drames et des atrocités ? En entrant dans La Vie et les agissements d’Ilie Cazane où, avec une verve et un humour dévastateur, l’auteur aborde les rivages d’un drôle de monde !

Razvan Radulescu est de ces écrivains qui adorent mener son lecteur par le bout du nez. Et il a bien raison, car dans la Roumanie de Ceausescu, tout ce qui ne tue pas rend fou, tout ce qui est rationnel doit passer sous les fourches caudines de Marx, toute tomate doit demander son autorisation de grossir au-delà des limites prévues par la Constitution… Bref, si quelque chose dépasse, il faut en rendre compte, en l’occurrence au colonel Chirita. Ce qu’Ilie Cazane père ignorait, c’est qu’une tomate pourrait un jour lui valoir d’être accusé de crime d’État, cette tomate énorme dont il faut donner à l’administration le pourquoi du comment. Il y a certainement une poudre de perlimpinpin inconnue des services. Interrogé, emprisonné, Cazane père n’avouera rien, car comment avouer ce qui n’existe pas. Ce qu’Ilie Cazane père ignorait également, c’est que son fils à tête de courge, ce petit génie de la bricole, ce gamin qui a grandi dans les jupes de sa grand-mère, allait un jour redonner du sens à sa vie. Car y a-t-il dans cette Roumanie conduite par un conducator stupide une vraie ligne droite ? Non, et c’est bien cette bêtise crasse que Razvan Radulescu dévoile au travers des méandres des vies de Ilie Cazane, père et fils, du colonel Chirita et de sa fille Tamara. Ce qui va relier les destins du père et du fils Cazane, c’est ce colonel de pacotille, cet imbécile heureux qui arrive avec un indéniable talent à rater sa vie. La réussite du roman tient tout entier dans l’extrême affection que l’auteur éprouve pour ses personnages, et dans l’ironie mordante qu’il parvient à instiller, appuyant sur ce qui fait vraiment mal, la bêtise extrême d’un système ridicule.

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