Littérature étrangère

Yoram Kaniuk

1948

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photo libraire

Chronique de Christèle Hamelin

Librairie Le Carnet à spirales (Charlieu)

Dans Ma vie en Amérique, Yoram Kaniuk racontait ses années new-yorkaises et la naissance de sa vocation d’écrivain. Il nous livre ici un autre pan de sa jeunesse, sa participation à la guerre de Palestine de 1948.

Yoram Kaniuk est encore un adolescent quand la guerre d’indépendance éclate fin 1947 en Palestine, posant la question du devenir politique du territoire à l’expiration du mandat britannique en mai 1948. Il décide de s’engager dans la Haganah, organisation clandestine, force de protection pour les juifs émigrés en Palestine qui deviendra, en s’agrégeant à d’autres groupes armés, la force de défense israélienne à partir de 1948. Malgré la gravité des circonstances, le rôle de soldat qu’endosse ce jeune garçon tout juste sorti de l’enfance nous attendrit et prête à sourire. Les séances d’entraînement sommaires (le plus souvent des bains de mer nocturnes et glacés et des courses avec des bâtons en forme de fusil à la main) que pratiquent Yoram et ses compagnons relèvent, en effet, plus de la comédie que de l’art militaire et sont dérisoires par rapport aux moyens dont ils disposent et au sort qui leur est réservé. Puis vient le temps, terrible, des affrontements, des vrais, où la haine n’aura d’égale que l’horreur qu’elle engendre. S’enchaînent les batailles, les déplacements de kibboutz en kibboutz, de villes en villages. Les camarades tombent tous les jours, toujours plus nombreux, et la culpabilité commence à germer dans l’esprit du jeune soldat. À travers ce témoignage, tiré d’un passé lointain mais toujours vivant, Yoram Kaniuk s’interroge sur l’absurdité d’un conflit à l’actualité encore brûlante soixante ans après, tout en mettant en exergue les aberrations de la guerre, quelle qu’elle soit, dans laquelle sont jetés de très jeunes gens qui n’en comprennent pas, pour la plupart, les enjeux politiques. Dans toute l’œuvre (déjà importante et émaillée de nombreux prix littéraires) de cet homme « sans religion », transparaît une volonté de révéler l’étendue de la cruauté dont peut faire preuve l’humanité (sans la condamner ou la juger pour autant), mais aussi toute l’abnégation et la générosité dont elle peut se montrer capable.