Littérature française

Brigitte Giraud

Vivre vite

illustration

Chronique de Marguerite Martin

Librairie Terre des livres (Lyon)

Défi ultime que ce jeu des « si » auquel se frotte Brigitte Giraud. Elle tente de comprendre ce qui a pu conduire à l’accident qui a coûté la vie à son mari le 22 juin 1999. Une enquête minutieuse qui met en scène son histoire – passionnante – avec Claude et rappelle que vivre est aussi grisant que périlleux.

Dans les vies qui pulsent, électriques, chaque décision a des conséquences, parfois irrémédiables. Choisir de vendre un appartement, acheter une maison, appeler sa mère, prêter son garage pour dépanner son frère cherchant à protéger sa moto neuve, déplacer un rendez-vous avec son éditeur, ne pas aller chercher son fils à l’école, autant d’actes qui auront peut-être pesé dans le destin tragique de Claude. Quelle est la part de hasard dans cet enchaînement d’événements ? Quel aurait été le destin de Claude autrement ? Brigitte Giraud mène l’enquête avec une minutie d’orfèvre, creuse le sillon de souvenirs qu’elle découpe au scalpel. Malgré l’issue connue, elle parvient à créer une tension compacte et à susciter une curiosité avide chez le lecteur. Telle une équilibriste, elle marche sur le fil tendu entre un passé avec Claude brûlant de joie et un présent qui cherche des réponses, tenant dans ses mains le point de bascule de cette disparition injuste et absurde. La gêne pourrait être au rendez-vous de ce découpage d’une intimité palpable mais la magie de l’écriture porte le lecteur dans un tourbillon de vitalité et l’en tient éloigné. Sans concessions, l’autrice décrypte et analyse le moindre de ses choix, offrant avec une lucidité et un humour déconcertants son regard sur ce qui nous lie au monde et nous en détache. C’est le portrait époustouflant d’une femme qui dévore l’existence, dessiné par celle qu’elle est devenue à force de courage. La force qui teinte ce récit sublime la tristesse et le deuil. Un élan surplombe toutes les questions de destin et de hasard. Un miracle s’opère : le lecteur, pris dans le tourbillon des « si » qui s’enchaînent, se prend à croire qu’inverser le cours des choses est toujours possible et n’en revient pas de s’émouvoir du récit annoncé du drame pivot.