Littérature française
Lilia Hassaine
Panorama
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Lilia Hassaine
Panorama
Gallimard
17/08/2023
300 pages, 20 €
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Chronique de
Marguerite Martin
Librairie Terre des livres (Lyon) - ❤ Lu et conseillé par 34 libraire(s)
✒ Marguerite Martin
(Librairie Terre des livres, Lyon)
Un huis clos obsédant et visionnaire, une lecture sous tension, addictive qui mêle polar, dystopie et littérature blanche, tout en questionnant les travers de l'hyper-représentation de notre méta-société.
Le sentiment que la justice est devenue impuissante a gagné l’ensemble de la population qui réclame vengeance pour ses victimes. Les institutions s’effondrent à l’issue de la Revenge Week, révolution déchaînée, qui sonne le glas de notre époque. Nous sommes en 2029 et, dans cette nouvelle ère dite de la Transparence, c’est le peuple qui vote les lois et les sentences, sur Internet. Dans le but de faire baisser la criminalité, il choisit d’abandonner toute intimité, symbolisée par ces murs derrière lesquels elle pouvait opérer et muter en violence. Les maisons-vivariums sont conceptualisées puis construites sur l’idée du jeune et brillant architecte Viktor Jouannet : les parois de verre remplacent les murs. Et chacun peut épier, surveiller voire dénoncer tout manquement au code du bon citoyen. C’est dans ce contexte qu’une famille disparaît. Mais, fait impossible, personne n’a rien vu ! Hélène, gardienne de protection (ex-flic), est chargée de l’enquête. Le couple qu’elle forme avec son mari, David, bat de l’aile et leur fille, Tessa, l’exaspère. Cette mission tombe à point nommé. Dans une succession de chapitres courts écrits dans une langue simple et directe, les codes du roman noir, du polar et de la dystopie dialoguent, au gré d’une intrigue haletante. La réussite tient tant à la tension constante qu’à la diversité des sujets abordés : secrets de famille, conflits de classes, impact de la pression sociale. Notre monde rempli d’images, de (sur)communication et de transparence, poussé à l’extrême, à travers ce miroir grossissant totalement plausible, nous (ap)paraît dans son aberration profonde et les zones de non-droit deviennent des lieux de fuite rêvés : l’aigreur y est absente et la liberté de s’offrir un point de vue préservée. Une lecture addictive et hautement préventive.