Littérature étrangère

Atticus Lish

Le Monde de la berge fleurie

QF

✒ Quentin Franchi

(Librairie La Comédie humaine, Avignon)

Après un premier roman déjà très remarqué en 2016 (Parmi les loups et les bandits, Buchet Chastel et Le Livre de Poche), Atticus Lish transforme l’essai avec ce nouveau roman, toujours porté par sa rage et ses muscles !

Il est difficile de mettre des mots sur une lecture lorsque celle-ci vous a bouleversé par sa densité, son style, ce qu’elle porte et charrie comme images. Ce deuxième roman d’Atticus Lish fait partie de ces lectures percutantes. Littérature sociale, chronique des temps modernes, ce Monde de la berge fleurie est grandiose, parfois presque trop vaste pour le parcourir seul. Il est des pages dures, âpres à traverser. C’est pourtant une expérience de lecture folle, comme on en a rarement. C’est aussi une littérature d’une justesse incroyable, sans jugement aucun. Cette justesse vient probablement du fait que l’auteur, avant de se définir comme tel, a enchaîné une dizaine de métiers comme déménageur, télémarketeur, agent de sécurité, docker, ouvrier du BTP, manutentionnaire. Il a même servi dans les marines. La connaissance de ces milieux, le fait d’avoir grandi comme déclassé dans une Amérique fondamentalement capitaliste font d’Atticus Lish le parfait auteur pour évoquer ceux qui frôlent le sol sans jamais pouvoir lever la tête. C’est donc une écriture profondément politique et sociale qui réussit à conserver l’émotion et les sentiments intacts. Le personnage principal est attachant tant il découvre, du haut de son adolescence, les meurtrissures de la vie. Chaque blessure, chaque crise de rage, chaque injustice imposée, tout est ressenti par le lecteur avec une puissante empathie. Dans ce roman, toutes les grandes questions y passent : le rapport à ses parents, la construction d’un individu, les effets à l’échelle humaine d’un système capitaliste malade, le combat face à la maladie justement, puis l’expérience du deuil. La légèreté de ce beau personnage abîmé lui est volée et c’est aussi un peu de la nôtre qui est emportée lorsqu’on clôt la dernière page de ce long et poignant roman. Essentiel.

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