Sur les routes

Habituée des romans ancrés dans la culture américaine, Catherine Mavrikakis, distinguée par de nombreux prix, a un rapport complexe avec les États-Unis. La romancière Mavrikakis pointe du doigt les dysfonctionnements de ce pays, ses dérives sociales et économiques, ainsi que son lourd et violent passé ; tandis que la femme, Catherine, évite soigneusement les territoires américains de son enfance. C'est ce qui poussera in fine l'autrice québécoise née à Chicago et d'origine franco-grecque à entreprendre ce voyage sur les routes étasuniennes, d'ouest en est et du nord au sud. Chaque État, chaque ville sera l'occasion d'évoquer la littérature américaine et les œuvres qui en ont fait un monument culturel : McCarthy, Kerouac, London, Steinbeck... Elle prend également appui sur les films, les photographies, les musiques qui portent en eux l'essence des États-Unis ; une essence parfois contradictoire. Son histoire familiale, ses souvenirs d'enfance se mêlent à l'Histoire. Son écriture n'est jamais dénuée de cynisme ou d'humour (comme en témoigne son dernier roman, Sur les hauteurs du Mont Thoreau) et l'histoire intime de ses personnages porte toujours un message politique (voir le bouleversant Les Derniers Jours de Smokey Nelson). Elle dira même que la colère contenue de ses ouvrages est une éthique politique et un facteur de changement. Cette traversée sera aussi l'occasion de faire remonter à la surface les violences raciales et économiques, la colonisation et le massacre des Premières Nations, l'essor capitaliste écocide des XIXe et XXe siècles. Elle met sur un pied d'égalité Voltairine de Cleyre, anarchiste née en 1866, et, en 2024, Lee, serveur homosexuel d’un restaurant chic, visiblement bouleversé par la tentative d'assassinat de Trump. Entre les deux, les États-Unis de Catherine Mavrikakis.