Bande dessinée

Roxanne Moreil , Cyril Pedrosa

L’Âge d’or

illustration

Chronique de Claire Rémy

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Tout commence comme une chanson de geste dans la plus pure tradition médiévale avant de développer un puissant conte social. Cyril Pedrosa, accompagné de Roxane Moreil, révolutionne les codes du genre pour nous entraîner dans une épopée haletante.

On avait quitté Cyril Pedrosa en tant qu’auteur complet il y déjà trois ans avec Les Équinoxes (Dupuis), épaisse et gracieuse bande dessinée sur la solitude des humains face à un monde trop grand pour eux. Avant cela, il y eut l’inoubliable Portugal (Dupuis) et le poignant Trois Ombres (Delcourt). Il nous revient cet automne accompagné de Roxanne Moreil, pour nous entraîner dans la première partie de l’imposante quête de L’Âge d’or. Alors que tous les nobliaux alentours se pressent à la cour pour assister aux funérailles du Roi et au couronnement de sa fille héritière, cette dernière, Tilda, se voit condamnée à l’exil par le coup d’État de son frère, bien trop jeune pour que les manigances ne viennent pas de plus haut. Elle sera accompagnée dans sa fuite par deux nobles chevaliers, Tankred et Bertil, bien décidés à l’accompagner dans toutes les épreuves. La première d’entre elle, c’est sa santé fragile accentuée par une profonde blessure à l’épaule infligée par ses poursuivants. Dès lors, ses évanouissements se soldent par des hallucinations plus vraies que nature tandis que du sang coule de ses yeux ou de ses mains sans raison. Je ne peux aller plus loin de crainte de trop vous en dévoiler de cette intrigue rapidement addictive, si ce n’est que L’Âge d’or, le fameux, n’est peut-être pas la légende que tout le monde croit. Ça ne vous aura pas échappé, sans être totalement inversés, les codes ici sont chamboulés par l’obtention du rôle-titre de cette épopée par une femme, courageuse et pugnace. Le féminisme dans cette histoire ne s’arrête pas là, comme en témoigne cette communauté de femmes qui recueillera nos héros et qui préfère vivre cachée que subir la violence des hommes. Si l’égalité des sexes passe par l’accès à la guerre pour toutes et tous, ne vaut-il pas mieux rester en retrait ? La sociologie, voire la politique, se mêlent aussi à la quête initiale avec cette histoire d’âge d’or. Un monde où « La nature à tous a donné même forme Et réchauffe chacun de la même chaleur. Nous suivons avec raison son inclination Pour donner mêmes avantages à nos semblables Qui sont nos frères. » est-il parfaitement utopique ou le peuple peut-il se soulever pour ses idéaux et renverser le système en place ? Toute ressemblance avec des batailles idéologiques actuelles entre ancien et nouveau monde n’est pas complètement fortuite et nous donne à penser que comme dans la mode, tout n’est qu’un éternel recommencement, du Moyen Âge à l’ère du capitalisme-roi. Ce scénario vous semble fichtrement alléchant et prometteur ? C’est normal et de surcroît, vous n’avez peut-être pas encore vu les illustrations aux chaudes couleurs toutes en transparence de Pedrosa. Elles justifient à elles-seules de se laisser tenter par la révolution !