Bande dessinée
Benoît Peeters
Comme un chef
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Benoît Peeters
Comme un chef
Illustrateur(s) : Aurélia Aurita
Casterman
17/01/2018
216 pages, 18,95 €
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Chronique de
Claire Rémy
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❤ Lu et conseillé par
9 libraire(s)
- Claire Rémy
- Cécile Laxalt de Elkar (Bayonne)
- Laurent Bojgienman de Nouvelle (Asnières-sur-Seine)
- Mélanie Mignot de Le Grand Cercle (Éragny-sur-Oise)
- Samuel Vidal de Maison du livre (Rodez)
- Mélanie Blossier de Doucet (Le Mans)
- Jérémie Banel
- Audrey Dubreuil de Ellipses (Toulouse)
- Anaïs Ballin de Les mots et les choses (Boulogne-Billancourt)
✒ Claire Rémy
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Plus habitué à théoriser la bande dessinée ou à écrire des scénarios pour son ami François Schuiten et leur série des Cités obscures (Casterman), Benoît Peeters se dévoile enfin, à travers une passion qu’on ne lui soupçonnait pas : la cuisine ! Sous le trait léger et inspiré d’Aurélia Aurita, son autobiographie devient gourmande et ludique !
Dans le petit monde du 9e Art, la réputation de Benoît Peeters le précède. S’il est l’un des deux pères de l’incontournable série Les Cités obscures et l’un des analystes de la BD les plus prolifiques, une autre corde complète son arc : la cuisine et même plus précisément la gastronomie. Mais que peut-il bien avoir à nous dire qu’on ne sache déjà et, surtout, quelle originalité peut bien avoir cette (énième) BD sur l’art de la table ? Eh bien, faites comme moi et ouvrez-la pour voir ! Si tout se passe bien, vous n’aurez vous aussi plus qu’une idée en tête : aller manger chez lui ! Oui, rien que ça ! Car Benoît Peeters n’est pas un simple amateur des fourneaux mais a bien un réel talent pour le bien-manger et le joli plat, acquis à force d’expériences, de tentatives et de désillusions. Tout commence quand… Tiens d’ailleurs il ne sait pas trop ! Son attrait pour les goûts subtils semble lui être tombé dessus de naissance. Jeune étudiant désargenté à Paris, en Hypokhâgne, il bave devant les devantures des plus grands restaurants et salive face aux récits de menu d’un de ses camarades bien né. Il rêve aux mets les plus fins à travers les guides et livres de recettes qu’il achète à tour de bras car comme il le dit lui-même : « La lecture ne coûte pas cher ». C’est au cours d’un voyage dans le Puy-de-Dôme avec son amoureuse qu’il va, un peu par hasard, faire connaissance avec sa première grande table : Les Frères Troisgros. Cette fantaisie leur coûtera une grosse partie de leurs économies mais c’est la révélation : la cuisine, ça peut être autre chose que le self de la fac ou Ginette Mathiot (sans aucun dénigrement attention !). C’est une explosion de saveurs, de couleurs et de maîtrise qui les attendent, très originalement et magnifiquement mises en images par Aurélia Aurita. Dès lors, notre écrivain – il voit son premier roman publié par les prestigieuses éditons de Minuit à 20 ans tout juste – consacre son temps libre à la cuisine, au point d’envisager très sérieusement de devenir chef à domicile. Son culot et sa curiosité lui feront pousser les portes des plus grandes enseignes bruxelloises et parisiennes, développant ainsi son inspiration. Malheureusement, satisfaire une bourgeoisie classique quand on a des idées de nouvelle cuisine n’est pas simple et notre chef en herbe verra ses efforts étouffés dans l’œuf par manque de moyens. Il lui restera malgré tout toute sa vie une admiration pour les meilleurs cuisiniers. Gourmande et enjouée, cette BD est aussi une belle ode à l’insouciance et à l’envie, à une époque (les années 1970-1980) où tout semblait plus facile et plus libre qu’aujourd’hui, comme si la société d’alors était moins corsetée. Le trait et la mise en page d’Aurélia Aurita collent parfaitement à la légèreté, à la passion et à l’entrain de cette comédie qui, plus qu’une autobiographie, est en fait un hommage à ces artistes de la cuisine que sont les grands chefs. Certes, tout ceci se passe dans un milieu intellectuel et aisé qui n’est pas à la portée de tous mais ce n’est pas l’important : même s’il n’en a pas fait son métier, Benoît Peeters n’a jamais lâché sa passion et nous donne envie de prendre le temps de regarder et apprécier ce que l’on mange. J’en salive encore !