Bande dessinée

Alain Ayroles

Les Indes fourbes

✒ Claire Rémy

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Ils ont à eux deux vendu plusieurs millions d’exemplaires de BD grâce à leurs séries respectives d’ores et déjà cultes : De capes et de crocs (Delcourt) et Blacksad (Dargaud). Aussi, quand Alain Ayroles (scénariste) et Juanjo Guarnido (dessinateur) s’associent, on est forcément alléché et (ouf !) pas du tout déçu !

On est d’abord intrigué par ce format, plus grand qu’une BD classique, et cette couverture, magnétique, réalisée à la peinture à l’huile par Guarnido, un talent qu’on ne lui connaissait pas. Puis ce titre, énigmatique : Les Indes Fourbes ou une seconde partie de l’histoire de la vie de l’aventurier nommé Don Pablos de Segovie, vagabond exemplaire et miroir des filous ; inspirée de la première, telle qu’en son temps la narra Don Francisco Gómez de Quevedo y Villegas, chevalier de l’ordre de Saint-Jacques et seigneur de Juan Abad. On ouvre alors la BD pour tomber sur une double page représentant une carte des Indes, les Amériques du XVIIe siècle : ça commence à sentir l’aventure ! Arrêtons là cette description purement matérielle pour entrer dans le vif du sujet. En 1626, Francisco de Quevedo publie El Buscón, grand roman picaresque quasi inconnu en France mais faisant partie du panthéon de la littérature espagnole. Fidèle au genre, l’auteur y narre les tribulations d’un vaurien filou et retors. Le livre se termine sur le départ du héros pour les Indes mais la suite ne sera jamais écrite. C’est ce qu’ont donc entrepris nos deux auteurs dans cette BD reprenant tous les codes du roman picaresque, notamment cette part importante de comique qui en fait tout le sel. On y (re)découvre Pablos, fils d’un barbier et d’une sorcière, habitué dès son plus jeune âge à la fauche et la débrouille. Au début de la BD, il ressemble plus à un ermite qu’autre chose, prisonnier d’un homme peu commode qui exige de lui le secret de l’emplacement de l’Eldorado, cette mythique cité sud-américaine où l’or coulerait à flots. Par quelles aventures et péripéties est-il passé pour en arriver là, c’est tout l’objet de son récit en flash-back, une forme de narration permettant à Ayroles de brouiller les pistes et de jouer avec son lecteur (et ses personnages). De gueux à noble, de serviteur d’un ecclésiastique à celui d’un aventurier, Pablos changera plus d’une fois d’identité pour arriver à ses rêves de fortune et d’ascension sociale avec une roublardise des plus jouissives. Le récit se découpe en trois chapitres, comme autant de tiroirs qui s’emboîtent parfaitement pour nous offrir un récit malin et plein de surprises. On retrouve le talent de cartooniste de Guarnido dans les expressions et les mouvements qu’il arrive à donner aux personnages, dans des décors soignés mis en valeur par le format du livre. Le final se révèle si surprenant qu’arrivé à la dernière page, la seule envie que l’on a est de reprendre l’histoire depuis le début, à la lumière de la vérité. Voilà un album parfaitement maîtrisé, pas loin d’être déjà un must !

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