Bande dessinée

Guy Delisle

Chroniques de jeunesse

illustration

Chronique de Arnaud Bresson

Librairie Sauramps Comédie (Montpellier)

Quelle magnifique opportunité ! La sortie de ces Chroniques de jeunesse, nouveau bijou de Guy Delisle, nous permet de présenter, s’il en était besoin, l’œuvre à la fois singulière et riche de diversité de l’auteur des Chroniques de Jérusalem (Delcourt).

Vient donc de paraître dans la collection « Shampooing » de Delcourt le nouvel ouvrage de Guy Delisle, Chroniques de jeunesse. Dans ce récit graphique, l’auteur continue l’œuvre entreprise tout d’abord avec Shenzhen et Pyongyang à L’Association, premiers récits où Delisle, travaillant à la fin des années 1990 et au début de ce siècle dans l’animation, raconte son expérience de superviseur d’animation dans des cultures asiatiques aussi particulières que la Chine et la Corée du Nord. Avec son dessin épuré et direct, il décrit sous une forme drôle et légère, dans un rôle de Candide, la découverte d’une culture complètement étrangère au protagoniste et la difficile adaptation à cette culture. En parallèle d’œuvres plus proches de son métier initial, comme Aline et les autres (L’Association) ou Louis au ski (Delcourt), saynètes sans paroles absolument irrésistibles, Guy Delisle poursuit le travail entamé avec Shenzhen et Pyongyang dans ses Chroniques birmanes et Chroniques de Jérusalem (Delcourt) produites pendant des séjours familiaux liés aux missions professionnelles de sa compagne. Avec une candeur et une finesse accrue, ces deux ouvrages racontent le quotidien somme toute relativement banal de l’expatrié, en proie aux conflits de culture et aux absurdités, soit d’une dictature qui ne dit pas son nom, soit des tensions politiques dans une région au lourd passé historique. Ces albums sont ceux de la consécration car Chroniques de Jérusalem reçoit le prix du meilleur album au festival d’Angoulême 2012. Il se détache ensuite de ce genre et enchaîne avec la série du Guide du mauvais père (Delcourt) où il dévoile une part plus caustique de sa personnalité d’auteur, où le vécu perce sous l’humour grinçant, ou encore S’enfuir (Dargaud), magnifique et déchirant récit sur la détention dans lequel il couche sur le papier le témoignage de Christophe André, otage dans le Caucase. Guy Delisle revient donc aujourd’hui au fil rouge de son œuvre, depuis quasiment vingt ans, avec ces Chroniques de jeunesse dans lesquelles il revient sur les jobs estivaux qu’il a occupés à la fin de son adolescence. Trois étés durant, il a travaillé, dans son Québec natal, au sein de l’usine de papier dans laquelle son père était employé. Par petites touches, l’air de rien, Guy Delisle interpelle sur le monde du travail et les rapports de force en son sein, le harcèlement, les conditions de travail ou les rapports sociaux dans le groupe. Il porte également un regard tendre, touchant et plein de retenue sur sa relation avec son père, remplie de non-dits et d’interrogations, et esquisse le basculement dans la vie professionnelle. Un bijou discret.

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