Bande dessinée

Emilio Ruiz

Ava

✒ Arnaud Bresson

(Librairie Sauramps Comédie, Montpellier)

Le nom d’Ava Gardner rayonne comme une étoile singulière dans le firmament du cinéma hollywoodien. Ana Mirallès, l’autrice de Djinn, et Emilio Ruiz tentent de résumer la vie trépidante et mouvementée de l’actrice dans cet album subtil et élégant, à l’image de cette star, véritable concentré de paradoxes.

Elle fait partie des grandes actrices mythiques du Hollywood de l’après-guerre. Avec Marilyn Monroe, Katherine Hepburn, Rita Hayworth ou encore Audrey Hepburn, Ava Gardner représente une certaine idée de la femme. Mais si chacune de celles-ci incarne une qualité spécifique dans laquelle l’imaginaire collectif a pu, peut-être à tort, les enfermer, il est difficile de cataloguer cette actrice insaisissable. Son physique parfait pour les canons de beauté de l’époque lui confère une noblesse qui cache une histoire de vie torturée. D’une enfance ressemblant à un cliché dans le Sud des États-Unis, garçon manqué jouant pieds nus dans les champs de coton, se transformant complètement dès son arrivée à Hollywood, Ava devient l’archétype de la femme fatale et vénéneuse. Ana Mirallès au dessin retrouve le scénariste Emilio Ruiz pour cet album qu’ils ont sous-titré Quarante-huit heures dans la vie d’Ava Gardner. Les deux auteurs ont pris le parti, osé, d’évoquer un épisode très court de la biographie de la star pour tenter de cerner le personnage. Cuba, 1954. L’actrice sort du tournage de ce qui restera son chef-d’œuvre, La Comtesse aux pieds nus, sous la direction de Joseph Mankiewicz et vient présenter le film dans l’île des Caraïbes, encore sous le joug du dictateur Batista. Île qui est encore, avant la révolution menée par Fidel Castro, le lieu de villégiature des Américains fortunés. Elle se sépare de celui qui restera le grand amour de sa vie, Franck Sinatra, un amour tourmenté fait de grands moments de bonheur et de disputes violentes, une relation sous addiction à l’alcool, à la fois intense et toxique. Les 48 heures qu’elle va passer à La Havane vont se révéler plus mouvementées que prévues. Entre les attentes d’un public cubain baignant dans la culture hollywoodienne et très exigeant, la gestion de sa rupture avec le célèbre crooner, le harcèlement qui ne dit pas son nom du grand magnat mégalomane de l’époque, Howard Hugues, et son propre tempérament de feu, ce qui devait être une célébration en grande pompe du rôle tant inspiré de sa propre vie va tourner au quasi-cauchemar. La grande force de l’ouvrage, au-delà de l’aspect romanesque de ces personnages pourtant bien réels et du poids du désir masculin sur la femme, est la capacité d’Ana Mirallès à s’approprier la plastique d’Ava Gardner pour en faire un de ses personnages, ne jouant pas sur la ressemblance physique exacte pour faire vibrer le lecteur et le faire s’attacher à ce personnage au destin hors du commun.

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