Littérature étrangère
William Boyd
Trio
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William Boyd
Trio
Traduit de l'anglais par Isabelle Perrin
Seuil
06/05/2021
419 pages, 22 €
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Chronique de
Muriel Balay
- ❤ Lu et conseillé par 11 libraire(s)
✒ Muriel Balay
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Voici un roman parfait pour la langueur estivale, pétillant d'humour anglais, corrosif, tendre et mené tambour battant. William Boyd nous enchante avec son trio de personnages singulier et attachant.
Lecteur, tu es prévenu dès la première page avec l'épigraphe choisie par l'auteur et signée Tchekhov : « Sous le voile du secret comme sous celui de la nuit, chacun dissimule sa vraie vie, celle qui présente le plus grand intérêt ». Et c'est bien de cela qu'il est question tout au long du roman : le visage que l'on offre au monde et celui qui reste caché. La duplicité est au cœur du texte sous couvert d'une gentille farce rafraîchissante. Nous sommes à Brighton, sur le tournage d'un film d'art et essai. Le trio est composé du producteur, homme marié qui cache son homosexualité, d'une jeune actrice américaine aux amours multiples et compliquées, et de la femme du réalisateur, auteure à succès qui n'a plus écrit une ligne depuis longtemps. Les personnages évoluent dans un triptyque de longueurs inégales et l'on pourra suivre leur cheminement et découvrir leurs secrets les plus intimes. Dans les coulisses du tournage, tous jouent un rôle derrière un écran d'ivresse et de faux-semblants : les maris sont volages, les amis peu fiables, les ex dangereux et les ego boursouflés. Toute la finesse de l'auteur est de ne pas nous communiquer les angoisses et la mélancolie de ses personnages. On les tient à distance tout en les couvant d'un œil protecteur. L’action se déroule en 1968, dans les prémices d'un monde en mutation. Un vent de liberté souffle, une envie de fêtes et de tourbillon, avec un regard résolument tourné vers l'avenir, se fait pressante. Tous ne s'y retrouveront pas. Le cinéma devient le miroir d'une réalité rêvée, déformée. Le procédé comparatif n’est pas neuf mais est ici très efficace. Et quoi de mieux que de laisser le mot de la fin au grand illusionniste William Shakespeare : « La vie n'est qu'une ombre qui passe, un pauvre acteur qui s'agite et parade une heure en scène puis qu'on cesse d'entendre ».