Littérature française

Magyd Cherfi

La Part du Sarrasin

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photo libraire

Chronique de Muriel Balay

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Après l'excellent Ma part de Gaulois (Actes Sud et Babel), Magyd Cherfi revient nous faire vibrer avec le fil de ses souvenirs. Bac en poche, il entend désormais se consacrer à la musique et surtout trouver enfin sa place.

Magyd dit « le Madge » a quitté son quartier, sa famille, ses potes, ses semblables pour vivre au rythme de la musique et des tournées. Avec ses musiciens, il sillonne les routes à bord d'une vieille estafette. Ils alternent entre accueil chaleureux, indifférent ou franchement hostile. La distance qu'il s'est imposée en s'éloignant de la cité reflète les interrogations qui l'agitent. Il est français, n'oublie pas d'où il vient et ses origines maghrébines auxquelles il est sans cesse renvoyé. Il voue une admiration sans bornes à la langue française, écoute des chansons à texte et écrit du rock rageur. Plus que jamais entre deux cultures, Magyd ne sait pas toujours où se situer. Début des années 1980, les agressions racistes augmentent et la marche pour l'égalité se prépare. Dans la cité on le presse, il faut qu'il prenne position, qu'il ait d'autres priorités que la musique. Trop français pour les uns, trop beur pour les autres, il vacille mais tient bon. Dans ses bras grands ouverts, il embrasse le monde. On aime « le Madge », sa générosité, sa façon de respecter chacun, sa manière d'être un amoureux si délicieusement poétique. On s'attache à ses failles, à sa douceur et à ses colères. Et que dire de sa galerie de personnages composée de héros sublimes, courageux, lâches ou roublards et d'héroïnes tragiques et combatives. Tous unis dans un quotidien de béton et de fureur. Tous confrontés à la question de leur identité même si c'est celle d'un petit blanc privilégié. On aime chez Magyd Cherfi sa façon de manier la langue, de mélanger les niveaux de langage et les différents dialectes. On apprécie qu'il nous bouscule et nous amène à nous poser les bonnes questions qui sont plus que jamais essentielles. On se délecte du soleil dans sa voix et de la fièvre dans ses mots.