Littérature française

Macha Méril

Vania, Vassia et la fille de Vassia

illustration

Chronique de Murielle Gobert

Librairie Passerelles (Vienne)

Vania, Vassia et la fille de Vassia. Macha Méril portait en elle depuis de nombreuses années le récit de ces trois vies de Russes blancs qui nous fascinent par leur foi en l’avenir et leur liberté viscérale. Le résultat est ce roman d’une grande et simple beauté, traversé par le chant de l’âme slave. Puissant et bouleversant !

 

On rentre de plain-pied dans l’Histoire avec ce roman étonnant. Non pas à coup de témoignages et de documents, mais par petites touches subtiles, émouvantes, autour d’une table, pendant une veillée... Autant de moments intimes que Macha Méril fait surgir de sa mémoire. On se sent à la fois invité, comme un hôte privilégié, et reçu avec chaleur, comme un parent à qui l’on dirait°: «°approche, assieds-toi et écoute°». Et les heures de lecture passent à la vitesse d’un songe quand l’auteur (que l’on croyait figure de la Nouvelle Vague et que l’on découvre ici fille d’un prince russe) part à l’aventure et nous conte le destin de Sofia, fille de Vassia. Ex-soldat du tsar, émigré en France après la Révolution russe de 1917, Vassia n’a plus que sa fille pour toute famille, et son ami Vania, dont le caractère égal lui vaut le rôle d’Ataman, sorte de chef de la communauté cosaque. Une communauté soudée par l’exil et le ciment indestructible des rituels ancestraux, nichée au cœur d’un village dans les contreforts de la Corrèze. Rassemblée autour de ses troupeaux de chevaux mais déchirée bientôt par les choix qui s’esquissent pour chacun dans l’Europe de la Seconde Guerre mondiale. Au fond du cœur de Vassia, une morsure se fait sentir : celle de son attachement à sa patrie, après des années d’exil dans un pays qui ne sera jamais le sien, et le réveil de son honneur de Cosaque, comme une pulsion vitale et irrésistible. Partir lui semblera la solution la moins déshonorante et il va remettre dans les mains de sa fille un bien inestimable qu’elle portera toute sa vie comme un étendard autant qu’un fardeau : son indépendance. C’est alors toute une vie qui cavale sous l’écriture tendre et alerte de Macha Méril et qui parcourt au galop les décennies du siècle dernier en faisant quelques détours rapides mais fulgurants sur des chemins mal connus de notre Histoire. Une vie propulsée par la chance mais qui se transformera en véritable destin, grâce à une farouche envie d’apprendre et de prendre part aux mouvements du monde. On pose pied à terre à regret à la fin du voyage, étourdi, bouleversé par le grand amour qui accompagne cette cavalcade et par la force de ces âmes slaves qui n’ont pas leur pareil pour mêler l’insoumission à la fidélité, la ferveur à l’ordinaire des jours et le chant aux larmes.