Littérature française

Vincent Ravalec

Sainte-Croix-les-Vaches

illustration

Chronique de Murielle Gobert

Librairie Passerelles (Vienne)

Un vrai feu d’artifice littéraire, explosif, superbement intelligent, et qui éclaire, avec une lucidité implacable et désopilante, les contradictions de notre monde.

Maire de Sainte-Croix-Les-Vaches – petit village irréductible que les bienfaits de la civilisation ne semblent pas avoir atteint –, Thomas Sorlut est en réalité un seigneur. Des Causses et des Tracteurs. Régnant sur son territoire avec une vigilance et une fierté sans faille. Soucieux de justice et d’équité pour les habitants de ce royaume oublié de tous, qui ne dérange et n’intéresse personne, et semble figé à jamais dans une solitude farouche. Lorsque la charmante et ambitieuse Sheila, propulsée à la députation du parti En Avant, et son assistante Jeanne arrivent à Sainte-Croix-Les-Vaches avec le projet d’en faire un « fab lab », laboratoire d’expériences pour réconcilier nature et culture, ville et modernité, et promouvoir au passage leur engagement politique, il paraît clair qu’elles croient détenir l’échantillon parfait du désert rural, occupé par des autochtones sous-informés, frisant la misère et passablement incultes. Le fait est qu’elles n’ont pas accès à la part d’ombre du Royaume et de ses habitants, en particulier celle qui recouvre les activités plus que douteuses initiées par Thomas pour faire prospérer son village. Le respect des anciens, l’attachement quasi sacré à la terre et les règles des voyous se mêlent sans aucun tabou dans la vie du maire, et c’est là qu’intervient le talent de l’auteur et son génie des dialogues, puisant autant dans un humour noir digne d’Audiard que dans une sorte de symbolisme obscur et païen de théâtre grec, avec son lot de surnaturel, de passions humaines et de jalousies. Tragédie burlesque, fable politique, thriller rural ? Impossible d’enfermer ce roman dans un genre, car Ravalec prend soin de pulvériser tous les codes, ceux du politiquement correct en premier lieu, avec le consentement total du lecteur qui suit avec délectation ce vrai feu d’artifice littéraire jusqu’au bouquet final, grandiose !