Polar
Hannelore Cayre
Les Doigts coupés
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Hannelore Cayre
Les Doigts coupés
Métailié
08/03/2024
192 pages, 18 €
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Chronique de
Élodie Bonnafoux
Librairie Arcanes (Châteauroux) - ❤ Lu et conseillé par 16 libraire(s)
✒ Élodie Bonnafoux
(Librairie Arcanes, Châteauroux)
On a connu Hannelore Cayre bien ancrée dans son temps, grattant les aberrations du système judiciaire. On la découvre féministe fervente, préhistorienne avertie et c'est toujours aussi réjouissant !
De nos jours, des ouvriers creusant une piscine en Dordogne tombent sur ce qui ressemble à une nécropole préhistorique, dont les murs sont couverts de dessins et de contours de mains, manifestement des mains de femmes dont un ou plusieurs doigts ont été coupés. Une paléontologue s'empare de cette découverte et entame un précieux travail de fouille et d'analyse qu'elle va pouvoir restituer à l'ensemble des médias et des scientifiques lors d'une conférence de presse exhaustive. 35 000 ans plus tôt, au même endroit, Oli lutte pour exister dans sa tribu, entre des hommes soit idiots, soit prêts à tout pour asseoir leur domination, et des femmes qui acceptent leur sort sans broncher. À leur décharge, il faut dire que quand l'une d'entre elles tente une rébellion ou pose trop de questions, c'est bien simple, on lui coupe un doigt ! Si bien qu'arrivée à l'âge adulte, aucune n'a toutes ses phalanges. Or ce que veut Oli, ce n'est pas rester au campement en attendant sagement le retour des hommes et leur bon vouloir, mais chasser, marcher loin, connaître d'autres tribus et voir la mer. Quel est cependant l'avenir de pareille ambition dans un groupe obsédé par la hiérarchie et le respect de l'ordre établi ? Par un jeu d'allers-retours entre passé et présent, Hannelore Cayre nous embarque pour un redoutable voyage dans le temps, aux origines du patriarcat. Férue d'Histoire et surtout de Préhistoire, elle nous livre un roman noir documenté, grinçant à souhait, ayant décidé (et comment la contredire !) que ce n'est pas parce que nos ancêtres n'avaient pas l'écriture qu'ils n'avaient pas le sens de l'ironie. Il y a quelque chose d'à la fois terrible et de délicieusement jubilatoire dans ce roman au féminisme conquérant qui va puiser aux origines des mécanismes de la domination sociale.